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différens, l’un s’adressant au seul psychisme inférieur désagrégé, l’autre s’adressant au contraire au psychisme supérieur ou mieux à la totalité des psychismes unis et collaborans.

Duprat a très bien montré combien sont antagonistes l’éducation et l’instabilité psychique. Il dit, avec Renouvier, que, dans l’éducation, il faut « donner l’habitude de l’attention et de l’étude, rétrécir le domaine de la crédulité par le développement du sens critique, exercer la réflexion propre et indépendante, fortifier la volonté, créer l’habitude d’une comparaison désintéressée des motifs de juger et de croire ; en un mot, enseigner à l’enfant à douter et à vouloir, à se maîtriser et à être libre. » Or, ce n’est pas là œuvre de suggestion ; au contraire.

Sachons donc séparer complètement la suggestion des autres moyens d’agir sur le psychisme comme la persuasion, l’enseignement, le conseil, l’éducation ; et sachons reconnaître que la suggestion tire précisément ses contre-indications de son action dissolvante sur les psychismes.


Cette distinction fondamentale est encore très peu faite, et nous voyons ainsi dans des livres, d’ailleurs remarquables, comme celui de Paul-Émile Lévy sur l’Éducation rationnelle de la volonté, reparaître les mêmes confusions, qui jettent le trouble dans l’esprit du lecteur et font naître les objections ou le scepticisme.

Dans la Préface qu’il a écrite pour ce livre, Bernheim rappelle bien sa doctrine et montre que c’est par la suggestion que l’auteur va essayer de faire l’éducation de la volonté. Et, de fait, Lévy montre en plusieurs endroits que ses procédés thérapeutiques dérivent de la suggestion, il les assimile à la suggestion (hétérosuggestion et autosuggestion, dans l’hypnose et à l’état de veille). Il en arrive alors à demander à la suggestion le « renforcement du pouvoir volontaire ; » il déclare que « le reproche, dirigé contre la psychothérapie, de violer la liberté morale s’adresserait, mieux encore, à l’éducation. » Et, pour défendre l’hypnotisme, il s’écrie : « Qui songe à priver ses enfans des bienfaits de l’éducation ? Qui songe à s’en priver lui-même ?… » Et nous voilà retombés dans les confusions de Berillon et des auteurs cités plus haut, sous la férule justifiée de Wundt, Duprat, Desjardins…

Tout ceci est pour démontrer qu’il n’était pas inutile de déve-