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De là cette conséquence que la suggestion thérapeutique n’a aucune action sur le fond et l’essence d’une névrose grave. La seule et véritable indication de la suggestion thérapeutique est la localisation étroite, bien définie, de la névrose sur un appareil ou sur un autre.

Il ne faut donc ni restreindre l’hypnotisme au traitement de l’hystérie comme le voulaient Richer et Gilles de la Tourette, ni dire, avec ce dernier auteur, que l’hypnotisme modifie « profondément le terrain hystérique. » Il faut plutôt dire avec Pitres que la médication suggestive s’adresse aux « troubles fonctionnels, » « qu’elle peut atteindre et modifier heureusement. »

En dernière analyse, la thérapeutique suggestive s’adresse, non à la maladie névrose (hystérie, neurasthénie, etc.) qu’elle est impuissante à modifier, mais au symptôme (paralysie, contracture, aphonie, etc.) de cette maladie.

Ainsi réduite et précisée, l’indication de la psychothérapie inférieure est encore importante. Car souvent ces symptômes ont une gravité considérable, empoisonnent la vie du malade, paralysent et retardent le traitement de la maladie elle-même, font par suite indication, comme on dit en médecine ; et, par conséquent, il est souvent très utile pour le médecin d’avoir, pour les faire disparaître, un moyen aussi simple et aussi commode que la suggestion dans l’hypnose.

Des mêmes considérations découle la connaissance des contre-indications de l’hypnotisme en thérapeutique.

Car, comme tous les moyens puissans de la thérapeutique, la suggestion n’est pas toujours utile ; elle est parfois nuisible et il faut connaître les cas dans lesquels on doit se garder de l’employer pour ne pas nuire au malade.

J’ai déjà cité Duprat disant que la suggestion ne peut être qu’un appel à l’instabilité même. « Pour obtenir un résultat illusoire, dit-il, on aboutit, en employant la suggestion, à la ruine de plus en plus complète de ce moi que l’on voudrait sauver. »

La condamnation est sévère. Elle est injustifiée quand elle traite d’illusoires les résultats obtenus ; nous venons de voir que, dans certains cas, les bons effets sont réels. Mais elle est juste quand elle qualifie le procédé d’« appel à l’instabilité même. » Ceci est vrai : la suggestion ne rétablit pas l’unité et la collaboration des psychismes ; au contraire.