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le chemin où il allait rentrer. Il y rentra en regardant devant lui, dit-il, sans faire aucun mouvement à droite ni à gauche pour solliciter des sympathies assez naturellement récalcitrantes ; mais, on me l’affirme, beaucoup de mains se tendirent cordialement vers les siennes ; il a gardé des amis dans le monde auquel par la naissance il appartient. Je voudrais pouvoir ajouter qu’il donne aujourd’hui le meilleur exemple ; la voix publique malheureusement l’accuse de jeter autant que jamais l’argent par les fenêtres. A l’heure où sa famille lui en refusait, la vente énorme de son livre lui rapporta de fortes sommes. Il est maintenant assez difficile, pour des raisons que l’on devinera, de s’en procurer un exemplaire, mais l’apparition de Pénal servitude a coïncidé avec un adoucissement marqué du régime pénitentiaire déjà très modifié par la législation de 1864.

La classification des prisonniers en trois catégories dont la dernière n’a plus rien de rigoureux, les rémissions graduelles de la peine par l’effet de la bonne conduite sont des bienfaits récens. On a découvert qu’une nourriture mauvaise et insuffisante nuisait à l’état moral autant que physique des condamnés ; enfin, aucune prison ne renferme plus côte à côte, comme il arrivait encore à Parkhurst du temps de lord N…, des criminels et des démens.

Un autre livre que Penal servitude, paru presque à la même date et signé comme lui d’un numéro d’écrou, a contribué peut-être sinon à faire réfléchir les sociologues et les philanthropes, du moins à éveiller dans le public une pitié plus puissante que tous les raisonnemens ; c’est The Ballad of Reading Gaol par G. 3. 3. (lisez Oscar Wilde). Je n’ai jamais beaucoup admiré autrefois les poésies d’Oscar Wilde, malgré les qualités de facture qui peuvent le mettre au rang de nos déliquescens les plus illustres. Quel qu’en fût le sujet, on y sentait, même à travers d’exquises délicatesses, je ne sais quoi d’artificiel et de malsain ; mais cette Ballade de la prison de Reading est un des cris de désespoir les plus déchirans qui aient jamais été poussés ici-bas. Là, rien de factice, rien de cherché, une âme en peine montrant à nu les révoltes qui la bouleversent, les craintes qui la tenaillent, l’horreur d’un sort qui fut pour ce raffiné plus épouvantable mille fois que pour tout autre. Il est curieux d’étudier l’un après l’autre les deux livres que la prison inspira presque en même temps à ces deux condamnés de nature différente :