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Cette lettre trouva le Duc d’Orléans disposé à partir. « J’espère approcher bientôt votre auguste personne, mandait-il au Roi, et je me trouverai doublement heureux en cédant à l’impulsion de mon cœur de penser que j’obéis à vos ordres. » Comme la missive royale à laquelle il répondait en ces termes ne porte pas d’ordres, on doit supposer qu’il les avait reçus de la bouche du Comte d’Artois, qu’il savait déjà que c’est à Calmar et non à Varsovie qu’il devait voir Louis XVIII et que leur entrevue aurait un caractère solennel et public, puisque d’autres princes devaient s’y trouver avec lui afin de prendre en commun d’importantes résolutions. Qu’il en ait été ainsi ou qu’il n’ait appris le but de cette réunion qu’après avoir annoncé son prochain départ au Roi, il est certain que ses résolutions tout à coup se modifièrent, soit qu’il eût craint de s’associer à une manifestation qu’il jugeait inutile et dangereuse, soit qu’il eût cédé aux avis du prince de Galles et des ministres anglais, qui se plaisaient, comme hommage à sa raison et à sa réserve, à lui marquer intérêt et amitié. Ce qui est hors de doute, c’est que, pour expliquer au Comte d’Artois et justifier son changement de front, il trouva des motifs ou des prétextes qui furent acceptés avec d’autant plus de bienveillance que Monsieur nous apparaît en cette circonstance comme très désireux de se rendre isolément auprès de son frère pour lui parler avec plus de liberté qu’il ne l’eût pu en présence des autres princes.

Quoi qu’il en soit, dans la seconde quinzaine de septembre, Monsieur s’embarquait à Harwick sur un bâtiment de la marine anglaise qui devait le transporter à Gothenbourg, l’y attendre et le ramener en Angleterre. Le Duc d’Orléans lui avait confié une lettre destinée au Roi où, sans motiver son absence de la réunion de Calmar, il expose les idées qu’il y eût développées s’il s’y fût rendu.

« En considérant l’objet pour lequel Votre Majesté daignait nous appeler auprès d’Elle, il ne paraît pas que les nouvelles formes que Buonaparte vient de donner à son gouvernement, et les nouveaux titres dont il s’est revêtu, puissent, aux yeux de qui que ce soit, porter atteinte aux droits de Votre Majesté, et à nos droits éventuels. Sans doute, et surtout dans le commencement, ces innovations paraîtront élever de nouveaux obstacles à votre rétablissement sur le trône de nos pères ; mais, Sire, nul n’ignore que nous seuls nous pouvons nous priver nous-mêmes, ainsi