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impérieux en même temps que c’est un devoir, de porter moi-même aux pieds de Votre Majesté l’hommage de tous les sentimens dont je suis pénétré pour Elle. J’ose me flatter qu’Elle approuvera mon respectueux empressement, si Elle daigne songer que, dans ma position, rien ne saurait remplacer cet honneur, et qu’aucun intermédiaire, aucune lettre même, ne peuvent remplir cet objet si important pour moi. Daignez pardonner, Sire, si vos bontés m’enhardissent à passer les bornes que me prescrit mon respect, mais le bonheur dont elles me comblent ne sera sans mélange que quand j’aurai eu celui de faire ma cour à mon Roi, et que j’aurai l’honneur d’être personnellement connu de Lui. Mais puisque j’ai osé manifester ce sentiment, j’oserai ajouter qu’il ne me paraît pas indifférent, pour le service de Votre Majesté, qu’on sache en France et en Europe, que le premier Prince de votre sang a été honoré par une marque éclatante et directe de sa bienveillance et, si j’en crois mon espérance, de sa confiance personnelle.

« Je ne sais, si je m’abuse, Sire, mais il me semble que les circonstances actuelles seraient assez favorables. J’ai même (que Votre Majesté me permette de ne le confier qu’à Elle), j’ai des raisons de croire que d’ici, on me faciliterait ce voyage. Que Votre Majesté daigne seulement me dire que sa bonté pour moi irait jusqu’à le lui faire trouver agréable, et je me flatte d’être bientôt à portée de recevoir ses ordres. C’est, je le sens, présumer beaucoup, Sire, mais j’ai la confiance que Votre Majesté me le pardonnera, si Elle considère la situation et les circonstances où je me trouve, le temps qui me presse, l’éloignement où je suis, et par-dessus tout, ma respectueuse impatience d’avoir le bonheur de l’approcher, même momentanément. »

Nous n’avons pas retrouvé dans les papiers du Roi la réponse qu’il fit à la demande de son cousin. Mais, des pièces accessoires nous portent à supposer qu’il ne jugea pas qu’à cette date, la visite du Duc d’Orléans fût opportune. A Varsovie où il continuait à résider, Louis XVIII n’était que toléré. Menacé, s’il attirait l’attention sur lui, de se voir fermer cet asile, obligé d’y garder, sous le nom de comte de l’Isle, un incognito rigoureux, il redoutait, en y recevant les princes de sa famille ou des émigrés connus, d’éveiller les susceptibilités du gouvernement prussien qui s’attachait de son côté à ne pas s’attirer les remontrances de Bonaparte. Mais, cinq mois plus tard, les