Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

participer. Mais, il ne veut pas marcher, ni seul, ni avec les émigrés parmi les troupes étrangères. « Jamais, écrira-t-il à d’Avaray en 1805, on ne formera d’armée royale française sur un territoire étranger. Les petits corps qu’on voudrait décorer de ce beau nom ne peuvent acquérir aucune importance et même ils appartiendront toujours moins au Roi qu’à l’armée dont ils feront partie et ils seront plus nuisibles qu’utiles à la cause du Roi. »

Ce n’est pas le seul point sur lequel ses vues diffèrent de celles de Louis XVIII. À cette même date, il y a déjà dix ans que. ’le monarque proscrit sollicite vainement des puissances européennes la reconnaissance de son titre royal. Cette reconnaissance est son cheval de bataille. Reconnu par elles, sa présence à la tête de leurs armées prouverait aux Français qu’elles ne combattent que pour lui rendre sa couronne et non pas pour démembrer leur territoire. Mais, dans la pensée du Duc d’Orléans, elle ne serait qu’une satisfaction personnelle accordée au Roi, inutile d’une part à sa cause et d’autre part à l’objet de la coalition, « qui est de renfermer la puissance française dans les limites raisonnables. »

Sans doute, l’utilité de la reconnaissance dépendrait des mesures dont cet acte serait suivi. « Mais, je n’en vois point qui puissent être efficaces avant que les armées coalisées n’aient réussi à reporter le théâtre de la guerre sur l’ancien territoire français, ce dont malheureusement nous sommes encore un peu éloignés. Il serait chimérique de se flatter que les Puissances voulussent ou même pussent abandonner au Roi la direction de leurs armées. Cela ne comporte pas même un moment de discussion. »

Alors, à quoi bon la reconnaissance du Roi ? Elle ne faciliterait pas les opérations des armées belligérantes et le ferait sans doute envisager par les armées françaises, « car les Français sont défians et soupçonneux, » comme un instrument dont leurs ennemis voudraient se servir pour les vaincre. « Loin qu’elle pût conduire au but désiré, l’usurpateur en tirerait peut-être parti contre le Roi et la coalition. » Ainsi le Roi ne gagnerait rien à être reconnu. Au lieu de s’épuiser en vains efforts pour obtenir de l’être, mieux vaudrait qu’il s’attachât à persuader aux Puissances que, s’il était rétabli sur son trône, « il ne souillerait pas sa couronne en y annexant les dépouilles des princes ses voisins, » et que son premier soin serait de s’entendre avec eux pour rétablir l’équilibre de l’Europe.