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sang. Mais, aussi, je me dois, je leur dois à eux-mêmes de m’écarter moins que jamais de nos règles ordinaires de conduite. Ma famille s’est souvent alliée à la noblesse française ; mais, lorsqu’elle a cherché des épouses parmi les étrangers, c’est toujours sur des têtes de filles couronnées ou de princes souverains que son choix est tombé, et cet usage immémorial est fondé en raison. Nos aïeux ont senti que notre noblesse verrait toujours avec joie une personne née dans son sein s’approcher plus ou moins du trône, mais qu’elle serait justement blessée, si une étrangère née son égale s’élevait au-dessus d’elle. Ainsi, quoiqu’une alliance avec un sang qui remonte à l’époque de Guillaume le Conquérant ne pût assurément nous faire tort, je me vois contraint à me refuser à vos désirs.

« C’est à regret que je vous afflige ; je sais combien un sentiment pur pour un objet aimable et vertueux a d’empire sur un cœur vertueux lui-même. Mais, plus ma résolution me coûte, plus aussi elle sera invariable, et j’attends de votre raison et de votre attachement pour moi le sacrifice de ce sentiment que, tout légitime qu’il est en lui-même, vous ne pourriez plus conserver sans offenser celle même qui vous l’a inspiré. »

Cette lettre vient d’être expédiée lorsque le Roi est averti que, sans attendre sa décision, le Duc de Montpensier a manifesté l’intention de céder aux remontrances de son frère. « Cette affaire m’afflige, écrit alors le Roi au Duc d’Orléans. Il m’en coûte d’être obligé de refuser la première demande que votre frère me fait et, de votre côté, je vous plains des combats qui se sont élevés dans votre cœur. La raison devait triompher. J’aurais été surpris qu’il en fût arrivé autrement. Mais je ne puis me refuser à vous parler du plaisir que m’a fait la tendresse fraternelle que, malgré la dissonance d’avis, votre lettre respire à chaque ligne. Elle me fait former un désir bien vif, c’est que vous me demandiez bientôt un agrément que je pourrai sans doute accorder. Celui qui est si bon frère serait, s’il est possible, encore meilleur père et vous êtes digne de goûter les douceurs attachées à ce titre. »

A la suite de l’intervention royale ainsi couronnée de succès, des témoignages de reconnaissance arrivent à Varsovie. Le Duc de Montpensier assure le Roi de son entière soumission. Le Duc d’Orléans lui exprime sa reconnaissance pour l’heureux dénouement de cette crise intime, qui lui a ramené le cœur d’un frère