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possibilité de les réparer en sacrifiant ma vie et jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour défendre la personne et la cause du Roi. J’ose espérer que la bonté et l’indulgence de Sa Majesté atténueront du moins une partie de mes fautes en considération de mon extrême jeunesse et des infâmes conseils qui m’ont entraîné. Mais, ce sera par un dévouement sans bornes et soutenu dans tous les temps de ma vie que je prouverai à ceux à qui j’ai l’honneur d’appartenir et à tous les Français fidèles que mes torts ne venaient point de mon cœur et que, malgré les démarches coupables où j’ai été entraîné, je suis encore digne de ma naissance et de l’estime des hommes vertueux.

Touché par ce discours qui semble avoir prévu toutes les objections, Monsieur en félicite son cousin « avec une sensibilité » dont témoigne la vivacité attendrie avec laquelle il lui presse les mains.

— Mais vous comprendrez, lui dit-il alors, que vous devez au Roi mon frère, à la noblesse française, à la France elle-même, une déclaration écrite de vos sentimens, à moins que vous ne préfériez les consigner dans une lettre à Sa Majesté.

— Je préfère écrire au Roi, réplique vivement le Duc d’Orléans. Monsieur trouvera bon cependant que j’attende l’arrivée de mes frères afin que cette lettre soit signée de nous trois. Je souhaite bien, par exemple, qu’elle ne soit pas insérée dans les papiers publics. Et sans laisser à son interlocuteur le temps de critiquer cette restriction, il la lui explique. — Je reconnais mes torts, je les avoue franchement ; je les avouerai de même au Roi. Mais une humiliation me serait plus insupportable que la mort.

Monsieur ne proteste pas. Il semble comprendre la préoccupation de son cousin. Il lui promet que sa lettre ne sera pas publiée. Il insiste seulement pour qu’elle soit communiquée aux ministres anglais, au comte de Woronzow, ambassadeur de Russie à Londres et à quelques-uns des Français émigrés résidant dans cette ville, ce à quoi consent le Duc d’Orléans.

Au moment où il va se retirer, Monsieur lui fait connaître que devant expédier le lendemain un courrier à Milau, il en profitera pour apprendre au Roi ce qui vient de se passer.

— Et moi, dit encore le Duc d’Orléans, j’en profiterai, si Monsieur m’y autorise, pour envoyer à Sa Majesté mon hommage