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de mauvais conseils, une chose déplacée, il a craint la sévérité de mes principes. Je lui en parlerai dans ma première lettre, Alors, celle dont je vous envoie le brouillon aura fait son effet ou l’aura manqué.

« S’il se range à son devoir, comme je n’en doute pas, je serai toujours son ami. S’il s’y refuse, lorsque la bonté du Roi l’attend et le prévient presque, je deviendrai son ennemi implacable. Il le sait, je lui ai donné la proclamation imprimée que j’ai faite à Francfort en 1793. Souvent nos conversations ont roulé sur cet objet, même devant témoins, et il a toujours repoussé avec horreur l’idée de rébellion et de faction.

« Vous verrez que je n’avais pas attendu l’ordre positif du Roi pour écrire au Duc d’Orléans, et que cependant pour lui donner confiance entière, je lui ai annoncé cet ordre. Dans ma première lettre, ces jours-ci ! je lui détaillerai tout ce que vous me mandez à cet égard ; je veux qu’il vous connaisse, qu’il vous apprécie, et qu’il vous aime comme moi. »

Quelque contradictoires et indécises qu’eussent été d’abord les pensées éveillées dans l’âme du Duc d’Orléans par les pressans conseils de Dumouriez, ces conseils étaient trop conformes à ce que lui commandaient son devoir et son intérêt pour qu’il hésitât longtemps à s’y rendre. D’une part, et quoiqu’il eût, avant son départ pour l’Amérique, désavoué la politique et les menées des émigrés, signé la déclaration de 1796 et combattu, sous les ordres de Dumouriez, dans les armées républicaines, il lui répugnait de continuer à servir de prétexte aux intrigues d’un parti politique, notoirement hostile à la royauté légitime et qui lui faisait injure en le supposant capable d’usurper la couronne ; il lui semblait qu’il serait mal à l’aise dans le rôle que ce parti lui destinait et il tenait à honneur de prouver qu’on l’avait calomnié en lui attribuant l’intention de s’y prêter. D’autre part, outre qu’en faisant sa soumission au Roi, il rentrerait dans la situation à laquelle le destinait sa naissance, la conduite que Dumouriez lui conseillait de tenir serait la conséquence logique de celle qu’il avait tenue en quittant la France. Même dans l’isolement volontaire auquel le condamnait l’horreur qu’inspirait aux royalistes le nom qu’il portait, si tristement souillé par son père, il ne s’était jamais mis en révolte contre l’autorité royale. Rencontrant à Stockholm, en 1795, le comte de Saint-Priest, il lui avait fait part de son désir de recouvrer les bonnes grâces du Roi ;