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rapprochement du chef de votre maison et à votre soumission à votre souverain légitime.

« Vous ne languirez plus longtemps dans l’oisiveté, si vous venez me joindre. Bientôt nous combattrons encore ensemble et sous les mêmes drapeaux, pour le rétablissement de la monarchie. Bientôt nous vengerons le sang de cet infortuné Louis XVI, que nous avons pleuré ensemble, sur les monstres qui nous ont persécutés, et qui voudraient vous faire paraître coupable pour vous sacrifier ensuite comme… Nous sécherons les larmes de votre respectable mère ; vous et vos frères serez l’appui du trône que votre nom a aidé à renverser.

« Venez, mon ami, mon fils, rappelez-vous les larmes amères que vous avez versées dans mes bras à Liège. Nous en verserons encore, mais ce seront celles d’une douce et vertueuse sensibilité. Montjoye, votre digne Pylade, va certainement se joindre à moi pour hâter le départ de votre lettre et le vôtre. Il ne s’agit pas ici d’une froide politique ; n’écoutez que votre cœur ; je connais sa droiture et sa chaleur, et, d’avance, j’ai répondu de vous. Adieu, mon cher prince, je vous embrasse comme mon fils adoptif. J’attends avec impatience votre réponse, ou plutôt vous-même. »

La lecture de cette lettre fit éprouver au Duc d’Orléans une surprise égale à l’émotion qu’elle déchaînait en lui. Elle lui révélait en Dumouriez un homme nouveau, converti, devenu, après tant d’erreurs et de fautes, partisan résolu des Bourbons, travaillant à leur faire des prosélytes, à réconcilier avec eux les princes de la branche cadette ; tout cela était certes aussi étonnant qu’inattendu. Elle prouvait en outre au jeune chef de la maison d’Orléans que le Roi lui pardonnait sa conduite de 1796, la réponse qu’il avait eu alors l’audace de faire au baron de Roll, quand ce dernier était venu lui apporter, au nom de Louis XVIII, l’ordre de se rendre sur-le-champ auprès du Roi, au camp de Condé. Non seulement il avait refusé d’obéir, se trouvant offensé par la maladroite impertinence de l’émissaire royal, mais encore il avait osé lui remettre, à l’adresse de son souverain, un acte écrit de sa main, en date du 8 juin portant « qu’il a toujours reconnu à la nation française le droit de se donner une constitution ; qu’il est de son devoir de reconnaître tout gouvernement qui garantira en France la sûreté des personnes, des propriétés et une liberté raisonnable ; que telle est la