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droit de réunion. On se plaint enfin qu’il n’ait pas accordé une amnistie générale. L’amnistie est désirable ; ce n’est toutefois qu’un incident passager. Les effets de la liberté sont permanens. Il vaudrait mieux, à coup sûr, que les électeurs pussent écrire, parler, se réunir, se concerter avant de nommer leurs représentans ; mais, quelle que soit l’assemblée qu’ils auront élue, on peut être certain qu’elle participera du caractère de toutes les assemblées du même genre. Elle réclamera les libertés laissées en souffrance, et elle saura finalement les obtenir. Qu’on se rappelle notre Corps législatif sous le second Empire. L’opposition, au début, était réduite à cinq membres ; deux ou trois d’entre eux savaient parler et cela a suffi. Qui peut mesurer l’effet que produira en Russie, le pays du silence, la première voix qui s’élèvera hardiment pour dénoncer les abus de pouvoir et la corruption administrative, et réclamer au nom du peuple la probité chez les gouvernans, la liberté chez les gouvernés, la justice pour tous ? Ce sera une innovation prodigieuse de voir une assemblée demander compte aux ministres et aux fonctionnaires de leurs actes, et établir leur responsabilité vis-à-vis d’elle, c’est-à-dire vis-à-vis du pays, alors que cette responsabilité n’a existé jusqu’ici que vis-à-vis de l’Empereur, ce qui la rendait le plus souvent illusoire. L’Empereur, en effet, quelle que soit sa bonne volonté, ne peut pas tout voir, ni tout savoir.

Enfin la Chambre discutera les lois et votera le budget. Il est vrai qu’elle n’aura que voix consultative dans la préparation des lois : le Conseil de l’Empire en décidera en fin de compte. Cela pourra donner une existence un peu plus réelle au Conseil de l’Empire qui, pour le quart d’heure, n’en a qu’une assez débile et fictive, mais cela ne lui donnera pas un prestige suffisant pour lui permettre, longtemps et souvent, d’arrêter une loi qui aurait l’opinion pour elle et que le pays réclamerait fortement. Si une lutte systématique et un conflit permanent s’établissaient entre le Conseil de l’Empire et la « douma » nationale, cette dernière finirait très probablement par l’emporter. Mais n’y aurait-il pas eu des inconvéniens très graves à donner le droit absolu et exclusif de légiférer, et cela en dernier ressort, à une assemblée unique qui d’ailleurs, quelles que puissent être son intelligence et sa bonne volonté, commencera par de l’inexpérience et devra faire sa propre instruction ? Les monarchies les plus parlementaires, comme l’Angleterre par exemple, ont deux Chambres dont l’une est élue par le pays et dont l’autre est l’émanation du souverain et représente les intérêts traditionnels du pays. Ce système