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en essayant de détruire les foyers endémiques où l’insecte se contagionne ; sur mer, en s’appliquant à détruire le moustique lui-même dans les navires où il trouve asile.


IV

Trois victoires signalées ont été remportées sur la fièvre jaune, au cours de ces dernières années : à Cuba, au Brésil, à Dakar dans l’Afrique occidentale.

Le premier et le plus mémorable de ces événemens, c’est l’extinction du foyer endémique de la Havane. Il a eu lieu en 1901, pendant l’occupation américaine. La presse quotidienne, en d’innombrables articles, en a fait connaître au public les détails. On sait que le brigadier général L. Wood, gouverneur de la Havane, décréta un beau jour que le fléau serait extirpé et les moustiques supprimés dans toute l’étendue de la ville et des faubourgs, et qu’il fut fait ainsi. On a loué comme il convient l’esprit de décision, l’activité, l’énergie et même la rigueur draconienne qui a présidé à l’exécution. Il reste à en montrer la sagesse, c’est-à-dire l’exacte conformité aux notions scientifiques.

L’idée de l’entreprise suppose que le moustique est l’unique disséminateur de la maladie. C’est précisément ce que venait de prouver la commission américaine, instituée l’année précédente. Elle avait montré que tous les autres modes de contagion supposés étaient imaginaires ; que l’on pouvait coucher dans le lit d’un malade ou d’un mort, être en contact avec ses déjections, revêtir ses hardes, user de son linge, se confiner dans des chambres mal ventilées, à la chaleur humide de 38° et sortir indemne de l’épreuve, si l’on échappe à la piqûre du moustique. La suppression du fléau se ramène donc à la suppression du moustique. Mais cette prétention de supprimer un ennemi insaisissable parait folle à première vue. Vous n’arrivez pas, disait-on, à débarrasser une chambre d’un seul cousin qui y bourdonne, et vous voudriez débarrasser un pays marécageux des légions de moustiques qui y pullulent ?

La stégomie de la fièvre jaune ne pullule point dans les marécages. Elle n’a pas les mœurs de l’anophèle du paludisme : elle ne vit pas comme celui-ci en pleine campagne ; elle habite nos maisons : c’est un insecte domestique. Il est casanier, prudent et frileux. Semblable, en cela, à beaucoup d’autres moustiques, Une s’écarte jamais de son logis de plus de 5 à 600 mètres, et ne voyage que lorsque son logis, bateau ou wagon, voyage lui-même. Il n’y a pas à craindre que l’insecte soit