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infectées au départ ou susceptibles de s’infecter, pendant la traversée, aux malades du bord, inoculent la maladie à quiconque approche. Quelques-unes passent sur les navires les plus voisins, les infectent et les transforment ainsi en nouveaux foyers morbides. C’est l’histoire de l’épidémie de Saint-Nazaire en 1861. C’est aussi l’histoire de ce qui se passa quatre ans plus tard à Swansea, en Angleterre, où le voilier Hécla, arrivant de Cuba, contagionna une vingtaine de personnes venues à bord et un autre bâtiment amarré dans son voisinage.

Ce n’est pas le lieu de donner un récit détaillé de toutes ces épidémies. Il suffira de dire que toutes les particularités observées s’expliquent admirablement par la supposition que le moustique est le seul agent de propagation du germe infectieux et par la connaissance de son genre de vie, de ses mœurs et de ses habitudes.


II

Ce qui vient d’être dit sur la répartition géographique de la fièvre jaune a mis en évidence la tendance de cette maladie à gagner toujours du terrain. On a vu les progrès continuels de son extension depuis les débuts du XVIe siècle. Peut-on prévoir où s’arrêtera cette marche envahissante, en supposant que l’hygiène savante n’intervienne pas pour y couper court ? Doit-on supposer qu’elle continuerait indéfiniment et que le fléau asservirait sans cesse de nouveaux territoires à mesure que se développera la navigation et que se multiplieront les relations avec les pays contaminés ? Quelles sont, enfin, les contrées menacées dans un avenir plus ou moins prochain ?

Il est facile de répondre à ces questions. Il suffit d’en traduire l’énoncé dans une langue conforme à la doctrine de la propagation par les moustiques. La fièvre jaune s’implantera partout où la stégomie vit et se multiplie, ou mieux partout où elle est capable de vivre et de multiplier. Or, et par une heureuse chance pour les pays européens, il se trouve que ce moustique spécifique ne peut vivre que dans des conditions de température très élevées, et d’ailleurs étroitement fixées pour l’accomplissement de chacune de ses fonctions vitales. L’insecte parfait ne peut subsister qu’entre 15° et 38° ; au-dessous de 15°, il est paralysé, engourdi, et il meurt ; déjà à 18°, il ne se nourrit plus et se meut difficilement. Il ne pique avec énergie qu’au-dessus de 25°. Il s’accouple entre 20° et 30° ; mais il n’y a de fécondation que si le thermomètre marque plus de 25°. Il pond dans l’eau des habitations, dans l’eau croupissante des vases à fleurs, des gouttières, des