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jaune. Pendant le trajet, un second cas se déclara, si bien que lorsque le navire arriva à Marseille le 7 septembre, il fut envoyé au lazaret de Pomègue et mis en quarantaine dans le bassin. D’autres voiliers, au nombre de 40, venant de pays tels que Tunis, Chypre, Alexandrie, où la fièvre jaune n’avait jamais existé, étaient amarrés à la file le long des quais du bassin, rigoureusement isolés, sans aucun contact les uns avec les autres. Cependant des cas de fièvre jaune éclatèrent autour du brick, dans le bassin même du lazaret : du 7 septembre au 2 octobre, 22 personnes furent atteintes. C’étaient des matelots des voiliers voisins, des gardes sanitaires placés à bord pour la surveillance, un ouvrier travaillant sur un ponton amarré à une petite distance.

On observa, avec étonnement, que la maladie, si contagieuse à bord du navire et dans son voisinage immédiat, ne l’était pas autour des malades lorsque ceux-ci étaient transportés à l’hôpital ou, — comme l’ouvrier atteint, — dans leur maison, en ville. Aucun cas de contagion ne se produisit en effet, ni dans l’hôpital, ni dans la ville. C’est que ce n’est pas le malade lui-même, ni ses vêtemens, ni son linge qui sont les véhicules de la maladie, ni même les hardes des morts : ce sont les moustiques, les stégomies, insectes casaniers, qui, de leur propre mouvement, ne s’éloignent jamais de plus de quelques centaines de pas du lieu qui les vit naître. Dans le cas présent, ce berceau du moustique infectieux, ce domicile, c’étaient les coins obscurs du bateau, le Nicolino.

L’épidémie de Saint-Nazaire, en 1861, fournit un exemple analogue. Le bateau Anne-Marie, parti de la Havane le 13 juin, arrive à Saint-Nazaire le 25 juillet. Neuf matelots ont été atteints de fièvre jaune au cours du voyage, mais ils sont guéris ; l’état sanitaire est bon et le navire est admis à la libre pratique. On ouvre la cale, repaire de l’insecte, véritable boîte de Pandore ; on décharge les marchandises, on procède aux réparations. Aussitôt des cas de fièvre jaune se déclarent sur les déchargeurs, sur les ouvriers, sur des personnes habitant dans le voisinage du navire infecté. Du 25 juillet au 16 août, 21 individus sont atteints. L’épidémie dont l’Anne-Marie est le foyer s’étend aux bateaux voisins : 10 cas nouveaux s’y déclarent plus ou moins tardivement après qu’ils ont quitté le port.

L’Angleterre s’est trouvée, par rapport à la fièvre jaune, dans les mêmes conditions que la France. Les ports de Falmouth, de Southampton, de Londres ont reçu à plusieurs reprises des malades. Des épidémies ont pu se déclarer autour du navire contaminé, c’est-à-dire portant dans ses flancs des exemplaires de stégomies. Celles-ci,