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Le jardin, en château la maison familière,
La source en Hippocrène, et de prendre le lierre,
Sous lequel un vieux mur se déjette et se rompt,
Pour celui dont jadis se couronnait le front
D’Horace en ses banquets ou du divin Virgile.
L’esprit, comme le corps, n’a qu’un temps d’être agile.
Je ne vous verrai plus sur vos monts éclatans,
Muses qu’un grand amour m’a fait suivre longtemps !
Ni vous, à vos bords frais, ô nymphes bocagères !
Je ne le nierai pas : vous m’avez été chères,
Et j’aimais dans les bois, pour d’autres yeux déserts,
Epier vos longs jeux, vos danses, vos concerts
Sous l’antique clarté dont s’argentaient les mousses.
Je ne le nierai pas : vous m’avez été douces.
Mais je vous dis adieu, puisque vous le voulez,
Et que des rêves morts et des jours écoulés
Et du vol frémissant de ma jeune Chimère
Rien ne subsiste plus qu’une mémoire amère.
Et sans doute il convient qu’au départ ceint de fleurs
Et sonore de chants joyeux ou querelleurs,
Vers la rive natale, après la longue absence,
Sur l’eau triste du soir l’esquif rentre en silence.


FREDERIC PLESSIS.