Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Allemagne. Et voilà peut-être une des causes qui firent naître et vivre l’opéra-comique parmi nous.

Il y a vécu d’une vie légère, brillante, mais en tout moyenne, jusque dans le rire et dans la joie. Une chose est à remarquer : c’est que la comédie en musique n’a jamais été chez nous la haute comédie : Le répertoire de l’opéra-comique abonde en comédies romanesques, romantiques, historiques aussi ; comédies d’action et d’intrigue, où naturellement, — l’intrigue n’étant pas matière musicale, — le dialogue tient une grande place. On y rencontre fort peu de comédies de caractères : au XVIIIe siècle, le Tableau parlant, de Grétry ; le Médecin malgré lui, de Gounod, au siècle suivant. Encore ne s’agit-il, ici et là, que de caractères superficiels, et des dehors plutôt que du fond de l’humaine nature. Le Gounod du Médecin malgré lui nous a donné quelque chose de Molière en musique et peut-être dans Georges Dandin il nous en eût donné davantage. Mais tout de même la France attend encore un Molière musicien.

Les autres nations non plus ne l’ont pas vu paraître. La comédie lyrique allemande existe à peine et l’opéra-bouffe italien n’a pas toujours été la véritable comédie. Il l’a été quelquefois. On trouve encore plus de force et d’humanité, plus de vis comica, dans la Serva padrona que dans le Tableau parlant. Grétry le premier a dit de Pergolèse : « Il fut créateur et ma musique n’est qu’une continuité (sic) de la sienne. » En quoi l’auteur des Essais avait raison. Mais il avait tort d’ajouter : « Il (Pergolèse) n’a peint qu’une partie des passions et j’ai à peu près rejoint les deux bouts du cercle, excepté les passions exaspérées, où je n’entends rien. » Même sous cette réserve, Grétry se vantait encore, ou s’abusait. Le genre dont il fut l’un des maîtres ne comporta jamais tant de psychologie, et de si profonde. L’opera buffa, que ce soit dans la Servante maîtresse ou dans le Mariage secret, plus tard dans le Barbier de Séville ou dans la Cenerentola, l’emporte sur notre opéra-comique non seulement par le courant, par le torrent plus impétueux de la verve et de la joie, mais souvent par l’étendue comme par la profondeur de la pensée musicale elle-même. Il n’est pas besoin d’un ouvrage entier, fût-ce d’un finale ou d’un air ; il suffirait d’une phrase pour en témoigner. Ouvrez, par exemple, aux premières pages, deux partitions de même titre et de même sujet, mais non de même patrie, la Cendrillon de Nicolo et la