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Certaines œuvres, et non des moindres, de notre pays et de notre temps, attestent encore la présence cachée, mais réelle, d’un idéal qui, sans jamais avoir été sublime, fut toujours aimable et plus d’une fois délicieux.

Les caractères, l’évolution et les restes de cet art, ou mieux ses reliques, voilà ce que nous voudrions étudier aujourd’hui.


I

Quelqu’un a dit qu’un opéra-comique est une pièce mêlée de paroles et de musique, et qui finit bien. C’est la vérité, mais ce n’est pas toute la vérité ; car, à ce compte-là, des ouvrages tels que Fidelio et le Freischütz en Allemagne, ou comme chez nous Joseph, seraient des opéras-comiques. Or ils en sont tous les trois, même le dernier, « éloignés de plus de mille lieues. » Et ce qui les en éloigne est justement le manque d’un troisième caractère, qu’après les deux autres il y aura lieu de rechercher et de définir.

Le premier : le mélange de la musique et de la parole, a fait, depuis l’origine, la popularité du genre. Au dire de juges délicats, peut-être trop rigoureux, il en fait également l’équivoque, ou la faiblesse, ou le néant. M. Romain Rolland, dans son livre sur L’Opéra en Europe, a traité l’opéra-comique de « joli monstre. » M. René Doumic nous le donnait jadis ici même, avec le vaudeville, comme « un assez bon type du genre faux, » qui resta toujours « en dehors de la vérité[1]. » Hegel avait assuré déjà que l’ « opérette » ou le « petit opéra, » comme il nomme l’opéra-comique, « est un genre mixte ou inférieur, où se mêlent, sans se combiner intimement, les paroles et le chant, ce qui est musical et ce qui ne l’est pas, le discours prosaïque et le chant mélodique… Le verbiage prosaïque du dialogue, alternant avec des morceaux de chant artistement traités, a toujours quelque chose qui choque le goût. C’est que l’effet naturel de l’art, celui d’affranchir lame du réel, n’est pas alors complet. »

Le XVIIIe siècle, qui vit la gloire de l’opéra-comique, ne lui fut pas toujours, — en théorie du moins, — beaucoup plus favorable. Grétry lui-même, dans ses Essais, avoue qu’il lui « fallut

  1. Voyez dans la Revue du 15 septembre 1900 l’intéressant article sur les Spectacles de la foire.