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Et maintenant, après qu’on vient de lire ces lettres d’un poète à sa fiancée et tandis qu’on a dans l’oreille la musique de quelques-unes de ces phrases si tendres, il est curieux de se reporter aux passages de sa correspondance où Lamartine entretient ses amis, Virieu, Mlle de Canonge, Mme de Raigecourt, de ses projets de mariage. On est tout de suite frappé de la différence du ton. « Il y a quelques mois que j’ai fait connaissance de cette jeune Anglaise qui passe pour un fort bon parti… Ce ne sera qu’un projet. Cela me désole, sans que je sois le moins du monde amoureux… De l’amour, en a-t-on deux fois, ou du moins le second n’est-il pas une ombre du premier ? … Je tâche de me rendre le plus amoureux possible. J’aurai une véritable perfection morale ; il n’y manque qu’un peu plus de beauté… Je te dirai le fin mot à toi seul, c’est par religion que je me marie, etc. » Mais, en vérité, s’il n’était pas le moins du monde amoureux, qu’est-ce donc qui avait pu si fort l’attirer vers cette jeune fille plutôt que vers aucune autre, et faire qu’après moins de quinze jours il se fût empressé de demander sa main ? Cette union n’offrait pour lui aucun avantage spécial, ni comme fortune, ni comme situation sociale, ni comme relations et appui de carrière. En revanche, elle se présentait avec toute sorte de