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D’autre part, Lamartine se heurtait à des obstacles imprévus, venant de sa famille même ; cela troublait la joie de ce voyage dont chaque étape le rapprochait de sa fiancée.


Montculot, 2 avril[1].

C’est encore moi. Nous arrivons ici et nous en repartons demain. Chaque poste nous rapproche et j’espère être à Chambéry avant douze jours. Je voudrais y mener mon père, je l’espère encore, cependant j’ai bien des embarras renaissans pour cela et surtout où je suis ; le ciel nous fait bien achetter le bonheur qu’il me destine en vous, mais pourvu qu’il me le donne je ne me plains de rien. Je vous raconterai ces nouvelles et insoutenables vicissitudes de la part de quelques personnes de ma famille. J’écrirai de Mâcon à Madame votre mère, dès que j’y aurai vu mon autre famille. Je ne m’y arrêterai que le tems indispensable. Je brûle de vous revoir, de vous dire tout ce que vous savez déjà, d’entendre surtout tout ce qu’il me serait si doux d’entendre toujours. Ah ! quand sera ce temps où je le répéterai, où je l’entendrai en effet toujours ? C’est ma seule pensée. Et elle est si délicieuse que je repousse le plus possible toutes les autres.

Je suis bien mieux enfin, mais seulement depuis que j’ai quitté Paris, et que je respire en paix cet air délicieux du printemps et de la campagne où je suis depuis deux jours. Je n’ai de faiblesse que pour écrire, aussi ce n’est qu’un mot. Mais un mot nous suffit, un mot dit tout. Je vous écrirai encore avant d’arriver à Mâcon. J’y resterai cinq à six jours. Je m’arrange pour dépenser près de vous tout celui qui me reste, car je suis en route pour Naples. Adieu. Comprenez tout ce qu’il y a dans ce mot.


Le temps pressait. Lamartine avait reçu son ordre de départ. Son désir était donc que le mariage pût avoir lieu de suite à Chambéry, quitte à ce que sa jeune femme ne le rejoignît qu’un peu plus tard à Naples. Il se faisait fort d’obtenir de son ministre « assez de temps pour ne partir de Chambéry que le plus heureux des hommes et dans l’espoir d’une réunion plus certaine et plus prochaine à Naples[2]. » Mais c’est ce dont Mme Birch ne voulait pas entendre parler.


Monsieur,

Vous me demandez la chose impossible et je vous prie en grâce de ne m’en plus parler. — Vous avez dû avoir bien compris par ma lettre à Mme de L… que l’affaire qui nous intéresse ne pouvait pas être terminée en moins de quelques mois, et j’espérais que vous en auriez été content et que vous tâcheriez de votre côté d’obtenir un congé pour un peu de temps après cet

  1. « Mlle Marianne Birch chez Mme la marquise de la Pierre, à Leicherenne. Chambéry (Savoie). »
  2. Lettre du 4 avril, à Mme Birch.