Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mienne. » Même de cette première œuvre elle n’était pas absente ; et déjà, éclairé par la promesse d’un avenir meilleur, le génie du poète, jusqu’alors voilé de tristesse, commençait son ascension vers des régions plus sereines.

Restait une dernière question. Un succès poétique était-il de ceux dont on peut faire état dans un budget ? Lamartine avait « retiré quelque argent » de ses vers. Mais il comptait surtout sur cette « entreprise commune avec plusieurs hommes du plus grand mérite. » Cette affaire, à laquelle Lamartine ne fait que vaguement allusion dans sa Correspondance, et qui l’occupa si fort à ce moment, était celle de la fondation du Défenseur, journal politique et religieux, destiné à recueillir la succession du Conservateur qui cessait de paraître ; il gardait la même rédaction, sauf pourtant Chateaubriand, et se publiait, — lui aussi, — à la librairie grecque-latine-allemande. Lamartine y mit d’abord quelques vers, puis, au bout du premier semestre, envoya sa démission. Mais on était au mirage des débuts d’entreprise. L’argent s’annonçait faisant suite à la gloire. Lamartine, quand il quitta Paris, à la fin de mars, put croire qu’il touchait au but.


LE RETOUR A CHAMBÉRY. — DERNIÈRES DIFFICULTÉS

Il en était encore assez éloigné. Et il s’en fallait qu’il fût au bout de ses peines. En repos sur la question de fond, il lui restait à débattre toute sorte de questions de forme ; et rassuré sur l’essentiel, il lui restait à subir mille et une tracasseries de détail. Mme Birch avait donné son consentement, mais elle ne se souciait pas d’en hâter l’effet. Elle alléguait des affaires, un voyage en Angleterre. Lamartine essaya de lui dépêcher son père, afin de tout régler, ce qui valut incontinent à celui-ci cette sèche réponse : «… Dans l’ignorance où je suis à présent des lois de France, et même ne connaissant que très imparfaitement la langue française, je crois qu’en fait d’affaires nous ne ferons pas grand chose, puisque j’imagine que vous n’est pas beaucoup plus instruit des lois et usages de notre pays. Tout ce que je puis faire est de passer à ma fille une pension trois mille cinque cent francs et elle a d’assuré après moi deux cent cinquante mille francs[1]. » On ne lui en demandait pas tant, ou plutôt c’est autre chose qu’on lui demandait.

  1. Lettre du 6 avril.