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en parleront, je pense, aussi, bientôt tour à tour. Je vous en garde un exemplaire. Adieu, chère Marianne, mes forces et ma poitrine succombent sous cette première petite lettre et mon cœur encore plus sous tous les sentimens qui le remplissent, quand je pense à celle qui sera à jamais ma première et dernière pensée.


Tronqués, défigurés… deux mots qui désormais auront une importance capitale pour l’histoire du texte des Méditations. Si exagérés qu’ils puissent être, ils appellent notre attention sur certains détails de style où Lamartine refusait de se reconnaître.

C’est encore Genoude qui avait organisé la publicité. Dans l’article du Conservateur[1], le premier paru, il se hâtait de « faire l’opinion, » en signalant le caractère chrétien de la poésie qu’inaugurait le nouveau recueil. Il opposait le talent du jeune écrivain français au génie de Byron, ce « sinistre météore » qui, au lieu de conduire, égare. « Plus heureuse que l’Angleterre, la France voit aujourd’hui s’élever dans son sein un poète qui puise ses inspirations dans la religion, véritable source de lumière et de vie. Ce poète est M. de Lamartine, auteur des Méditations que nous annonçons. » Il concluait que le livre pouvait être composé de peu de pages, mais qu’on en devait parler comme « d’un ouvrage d’une grande importance. » C’était le mot juste. Pour ce qui est de l’anonymat du poète, dès le premier jour il était dévoilé. Comme on le voit par l’annonce qu’en fait Lamartine, un mois à l’avance, on s’était assuré le concours d’autres journaux. L’article des Débats parut le 1er avril : il était dû à la plume du critique le plus autorisé, Feletz, un ami de Mme de Raigecourt. Il commençait par une citation du Lac, — que le Conservateur avait ignoré, — et ne mêlait que les quelques réserves obligatoires à d’abondans éloges. Le feuilleton de la Gazette de France, qui suivit, fut de même un panégyrique. Le Journal de Paris annonça le volume. Ce mouvement de presse ne faisait, au surplus, que continuer celui des salons. Le bruit qui s’était fait depuis deux ans dans un certain cercle autour du nom de Lamartine, s’amplifiait, s’étendait aux quatre coins de la France. On saluait cette poésie attendue depuis si longtemps et qui avait tardé à éclore, bien que les élémens en eussent été déjà préparés dans les livres et dans les âmes. Lamartine a insisté maintes fois sur l’étonnement causé par son premier recueil. Dans

  1. Le Conservateur, t. VI, 76e livraison.