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d’allemand que le nom ; et ensuite il était tout indiqué que Lamartine y fît paraître son premier livre. Journaliste de talent, qui avait été emprisonné par la Convention, et qui avait pour frère un abbé, Nicolle n’était pas seulement l’éditeur des classiques français, et d’une collection de classiques anciens réimprimés avec les commentaires de la science allemande ; il éditait en outre des ouvrages de religion ; il était en relations avec le monde du Conservateur, qui avait pris Lamartine sous sa protection. C’est chez lui que Genoude publiait, cette même année 1820, sa traduction de la Bible, comme il y avait publié sa traduction de l’Imitation, avec une préface et des réflexions par l’abbé F. de la Mennais. Genoude, ami de Lamartine, le mena tout naturellement chez son éditeur.

Il fit plus : c’est par ses soins que parut le volume. Nous avons vu qu’au début de janvier Lamartine avait commencé d’en réunir et d’en réviser les matériaux : il « travaillait beaucoup, » il « corrigeait et composait » tout ensemble. En d’autres termes, il préparait le texte définitif pour l’impression. Il ne dédaignait pas alors ce travail de mise au point, dont, plus tard, il devait faire, hélas ! si bon marché. La maladie le força de l’interrompre. Ce fut Genoude qui le reprit et l’acheva. On sait que l’avertissement de l’éditeur qui précède la première édition des Méditations est de lui. Mais nous allons apprendre, de la bouche même de Lamartine, comment Genoude avait conçu son rôle d’éditeur et que, suivant la coutume d’alors, il y avait apporté assez peu de scrupules. Il ne s’était pas fait faute de supprimer ou de modifier. Ces corrections firent au poète l’effet d’être autant de mutilations.


Paris, 4 mars.

Ce n’est toujours qu’un mot, chère Marianne. Je voudrais que ce mot fût assez tendre pour vous peindre tout ce que je sens tous les jours et à tous les momens du jour. Mais mes idées sont faibles comme ma main…

Je suis nommé attaché à l’ambassade de Naples. On me donne par faveur 3 000 francs d’appointemens et mes voyages sont payés… Je puis aussi par mon travail me faire ici quelques revenus accidentels. Je viens de retirer quelque argent, comme vous savez, du peu de vers que j’ai laissé imprimer…

A propos de vers, les miens ont été tronqués et défigurés par mon éditeur pendant ma maladie ; ils paraissent ces jours-ci. Tâchez d’avoir le Conservateur, qui en parlera sans doute, pour le montrer à propos à madame votre mère. Le Journal de Paris, la Gazette de France, le Journal des Débats