Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

romanesque, à commencer par Lamartine qui écrira : « Ses amis ont profité du moment d’engouement (qui suivit les Méditations) pour donner un assaut de sollicitations au ministre des Affaires étrangères. M. Pasquier, homme très lettré lui-même, a nommé le jeune poète secrétaire d’ambassade. » Mais c’est à l’excellent Ch. Alexandre qu’appartient cette formule : « Le petit livre des Méditations a été une clé d’or ; il a ouvert les trois portes de la gloire, de la carrière diplomatique et de la chambre nuptiale. » Je suis bien aise que cette phrase baroque soit d’ailleurs tout à fait inexacte. Que le talent poétique de Lamartine ait servi indirectement ses ambitions, en lui conciliant d’ardentes protectrices, nous l’avons vu ; nous avons vu aussi, du reste, que ce genre de supériorité faillit lui nuire et que les diplomates de carrière se méfiaient de ce littérateur. Mais nous sommes bien obligés de constater que la nomination de Lamartine, — si elle ne devait être officielle qu’un peu plus tard, — était pourtant chose faite avant le 2 mars, et qu’à cette date les Méditations n’avaient pas encore paru. Pas davantage elles n’ont pu influer sur les intentions de Mme Birch. Le consentement de celle-ci a été la réponse à cette lettre du 2 mars, où Lamartine se gardait même de faire aucune allusion à la prochaine apparition de son livre. Il se bornait à traiter les points qui étaient seuls en question. Il invoquait les seuls argumens qui pussent avoir quelque portée. Il savait combien Mme Birch était peu touchée par la perspective d’avoir quelque jour pour gendre le Byron français.


LES MÉDITATIONS

Elles parurent enfin !

Ce fut le 13 mars 1820[1].

Elles formaient un mince volume de cent seize pages, contenant vingt-quatre pièces, édité sans nom d’auteur, au dépôt de la librairie grecque-latine-allemande. C’était le nom de la librairie que dirigeait H. Nicolle. On a coutume de le déplorer, et on s’indigne que le chef-d’œuvre de la moderne poésie française ait paru à une librairie allemande ! Personne pourtant, à l’époque, ne s’en étonna, et pour cause. D’abord cette librairie n’avait

  1. Le Journal de la librairie dans son numéro du 11 mars 1820 contient l’annonce suivante : Méditations poétiques, in-8o de 7 feuilles trois quarts. Imprimerie de Didot aîné, à Paris. — A Paris, au dépôt de la librairie grecque-latine-allemande.