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nouveauté, en lui adressant, dès le 2 mars, une « seconde sommation. » Il lui annonçait qu’il était attaché à l’ambassade de Naples, avec la promesse formelle d’un poste supérieur dans un an. Ainsi se trouvait remplie la première condition que la mère prévoyante mettait au mariage de sa fille : à savoir que son gendre eût une carrière honorable. L’autre était que ce gendre eût tout de suite 6 000 livres de revenu. Lamartine s’en découvrait davantage, et il établissait ainsi son budget : pension de son père, 1 500 livres ; pension de deux de ses tantes, en cas de mariage, 1 000 ; appointemens de sa place, 3 000 ; plus une pension sur la cassette des princes, se montant à 1 200 francs. Et ses voyages lui étaient payés ! Et il devait être logé et nourri chez son ambassadeur ! C’était l’opulence.

Que pouvait faire Mme Birch ? Elle céda. Voici le billet que nous avons trouvé inclus dans la lettre de Lamartine à laquelle il répondait :


Copy, 10 March 1820.


Monsieur,

J’apprends avec beaucoup de satisfaction que vous êtes en état de convalescence, et que vos affaires ont pris la tournure que vous souhaitiez et qui étaient vraiment nécessaire pour rendre un concurrence de ma part raisonable. Je pense que vous attendrez que votre santé soit parfaitement rétablie, avant d’entreprendre le voyage d’Italie. Vous me trouverez disposé à faire tout ce qu’en bonne mère je croirais devoir contribuer au bonheur de ma fille, quoiqu’au dépends des vœux que j’avais formé jusqu’ici. J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec beaucoup de considération, etc.


Ainsi finissait cette longue résistance. Après s’être fait prier pendant cinq mois, Mme Birch accordait son consentement. La première raison en était sans doute dans la constance des deux jeunes gens et dans l’inébranlable fermeté de sa fille. L’autre était dans cette nomination de Lamartine. Et c’est ici l’occasion de réfuter une erreur, ou, si l’on préfère, de signaler une de ces légendes qui fleurissent d’elles-mêmes autour de la destinée des poètes et contre lesquelles la critique est bien impuissante. On ne trouve pas suffisant que les Méditations aient fait de Lamartine, du jour au lendemain, le poète de France le plus célèbre : on veut encore qu’elles lui aient servi d’introduction dans la diplomatie, et qu’elles lui aient valu son bonheur conjugal ! Tout le monde s’est plu à prêter aux choses cette tournure