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nécessaire de le rappeler ? — nous assistons à une politique toute contraire. L’État néglige la répression, qui est son œuvre nécessaire ; il veut accaparer et monopoliser l’assistance, pour laquelle il est si peu compétent. Il épie les progrès de l’initiative individuelle pour les arrêter ; toutes les fois qu’une œuvre a fait, par elle-même, ses preuves de vitalité et de succès, vite ! il la comprime ou il la supprime ! Il n’a plus d’autre idéal que de pouvoir dire à toutes les libertés : Nous avons mis à grands frais notre administration irresponsable en état de se passer tant bien que mal de vos services, il est temps que vous disparaissiez.


Dans la Petite République du 4 avril 1903, un des chefs des socialistes français écrivait déjà : « Les nécessités sociales de la politique anticléricale commencent à apparaître. Le moyen le plus décisif d’agrandir l’enseignement laïque et l’assistance (laïque), c’est d’éliminer l’Église de l’enseignement et de l’assistance. » Les formules des socialistes ne sont pas toujours si claires ni surtout si évidentes. Oh ! à coup sûr, le moyen, sinon le meilleur, du moins le plus « décisif » d’agrandir sa maison est de démolir celle du voisin. Mais si, par ces éliminations recommandées, on agrandit l’enseignement laïque et l’assistance laïque, il n’est pas dit qu’on agrandisse l’enseignement ni surtout l’assistance tout court.

Comment s’arrêter d’ailleurs ? Après avoir éliminé ceux qui sont « d’Église, » comme on disait autrefois, on élimine ceux qui restent leurs amis, puis ceux qui ne leur sont pas assez hostiles, puis enfin tous ceux qui ont le malheur de ne pas être des « officiers publics. » Faisons-nous là un procès de tendance, une hypothèse gratuite ? Mais tous ceux qui ne mêlent ou qui s’intéressent aux œuvres n’entendent parler que d’œuvres laïques, fondées, gouvernées par des laïques, et qui se voient retirer tout ou partie des subventions ministérielles[1]. On ne se contente donc pas, — au moment où on parle tant d’assistance, — d’expulser les hommes et les femmes qui s’y consacraient tout entiers ; on dispute, on arrache de maigres secours à d’anciens fonctionnaires, à des fonctionnaires même en exercice, quand ils n’ont pas voulu

  1. Ou des subventions jusque-là données par des conseils généraux s’inspirant du même esprit que la majorité de la Chambre actuelle.