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être partout la préparation. La politique que nous combattons compromet donc à la fois et la répression et l’assistance.


VI

Elle les compromet encore davantage si elle méconnaît la division du travail qui, à notre avis, s’impose, et si ce qu’on nomme l’État concentre tout entre les mains de sa propre administration.

Que la répression soit une et qu’un seul pouvoir l’applique, voilà un principe incontestable. Loin d’y contredire, nous dirons même que chez nous l’Etat n’y est point assez fidèle. Nul ne doit se faire justice à lui-même ; nul ne doit être juge dans sa propre cause, tel est le fondement de cette délégation que chacun de nous fait aux pouvoirs publics de son droit de légitime défense. Après avoir consacré cette vérité par la suppression de bien des privilèges, pourquoi laissons-nous encore subsister des tribunaux administratifs et un tribunal dit des conflits où l’administration est toujours sûre d’avoir le dernier mot contre les plaintes qui la concernent ? Il faut se résigner cependant, paraît-il, à voir cette confusion subsister dans la pratique, longtemps après avoir été condamnée en théorie.

C’est une raison de plus pour examiner de près les prétentions croissantes du gouvernement à se faire le dépositaire et le distributeur de tous les secours que dispensait jusqu’ici la libre charité.

La société doit tempérer la répression par l’assistance, tant par l’assistance préventive que par l’assistance curative. Mais la société n’est pas la même chose que l’Etat, si l’on voit surtout dans l’État l’ensemble des pouvoirs qui gèrent les intérêts communs des membres d’une même société. Il est parfaitement possible que tout en gorgeant l’Etat de sommes destinées à l’assistance dite publique, une société ne remplisse pas son devoir d’assistance.

Elle ne le remplira pas si elle tolère qu’une trop grande partie de cet argent passe en d’inutiles frais bureaucratiques[1].

  1. « Les budgets intérieurs des bureaux de bienfaisance sont grevés de frais de personnel excessifs ; ceux du IIe arrondissement comptent pour 30 p. 100 dans le total des fonds à répartir. » H. Grunebaum, l’Assistance publique à Paris, brochure in-8o, 1901, p. 14.