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du détenu et lui fait sentir tout le poids de la nécessité. Aucune raillerie, aucun entraînement contagieux, aucune émulation de grossièreté ou de révolte ne mettent là d’obstacle factice entre lui et la réalité des choses. Son désir de parler et d’entendre ne peut plus être satisfait que par des conversations honnêtes, comme son ennui ne peut plus être distrait que par le travail. Alors peuvent se succéder les aveux, les confidences, les bonnes résolutions, les engagemens et même les habitudes qui, rompant le cours des associations anciennes, en construisent peu à peu de nouvelles, plus favorables à la guérison de la volonté. Si aucun de ces essais ne réussit, quelle assistance inventerez-vous qui puisse refaire l’homme sans lui et malgré lui ? Quelle sera l’aide dont il n’abusera pas ?

Celle qui vient d’être esquissée est donc la seule à essayer. Elle en vaut la peine. Sans paradoxe aucun, on peut soutenir que cette assistance curative peut s’orienter plus sûrement que certaines parties de l’assistance préventive tant réclamée. Comment en effet, dans celle-ci, présumer la vivacité, la nature même des passions et des tentations de l’individu ? Comment savoir, par exemple, si les avances que l’on consentirait à tel ou tel pour l’aider à franchir dans son milieu une étape quelconque ne seraient pas une prime à la paresse et à la dissipation ? Comment savoir s’il en a vraiment besoin et s’il le mérite au fond plus que tel de ses voisins qui ne demande rien et auquel on a jugé bon de ne rien offrir ? Mais quand, usant de sa libre initiative sous le couvert du droit commun, l’individu s’est mis, par sa faute, dans la nécessité de rendre des comptes, alors son acte est connu, ses antécédens sont dévoilés, les mobiles auxquels il a obéi sont dégagés : la société sait par où il s’est gangrené et par où on doit, si on le peut, essayer de l’assainir.

On le voit donc, pour que l’assistance aux condamnés soit entendue et pratiquée comme elle doit l’être, il faut qu’elle soit très humaine, au sens profond du mot. Il tombe sous le sens néanmoins qu’étant greffée sur la condamnation et sur la peine, elle a besoin que celles-ci ne soient pas devenues des branches mortes de la vie sociale. Où le condamné donne-t-il la preuve qu’il est digne des efforts du patronage, si ce n’est dans sa façon de réagir contre les épreuves qu’on lui inflige, de transformer le lieu de son châtiment en un lieu de travail, d’user correctement, en faveur de ses victimes, du surplus de ses gains, de justifier