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Lorsqu’on est en présence d’un enfant, d’un adolescent ayant commis un acte répréhensible dont il faut empêcher le renouvellement, c’est une bonne politique que d’essayer de redresser ses habitudes, que de compléter sa formation mal ébauchée, que de le retirer du milieu où il risquait de se perdre pour jamais, que de lui ouvrir, sans appareil humiliant, un milieu nouveau où ceux de ses bons penchans qui subsistent pourront, s’ils se dégagent et se fortifient, redonner une vie saine à tout son être. Oui, c’est là un mode d’assistance qui assure, s’il réussit, la meilleure des répressions. Les mesures de sévérité, auxquelles il est impossible de renoncer dès le début, ne seront que des moyens. Le but sera la création d’une personnalité nouvelle capable de subsister. Si des insuccès viennent souvent compromettre cette œuvre nécessaire, ce n’est pas que la conception soit mauvaise : il ne faudra jamais admettre qu’elle soit telle ; ce sont les méthodes adoptées qui sont défectueuses, et il ne faudra jamais renoncer à les améliorer.

Adulte et engagé dans la vie avec la plénitude de sa responsabilité, l’homme est souvent encore un grand enfant, corrigible et curable. Accepter qu’il soit définitivement retranché de la société par la prison perpétuelle ou par la mort, est une extrémité à laquelle il ne faut se résigner que dans deux cas : ou quand la réitération des actes criminels a été telle que la société ait le devoir de ne plus perdre son temps à des tentatives payées par des déboires multipliés, ou quand l’acte a été de telle nature que les honnêtes gens ne puissent réellement pas être obligés de subir le contact d’un être absolument déshumanisé. Sans doute, il est à souhaiter que la condamnation capitale devienne une exception de plus en plus rare. Mais à notre avis, bien réfléchi, mieux vaut que la peine de mort infligée aux auteurs d’actes monstrueux permette de ne pas faire perpétuelle et irrémissible, donc plus avilissante encore, la peine infligée à beaucoup d’autres[1].

Dirons-nous que, tant que la société conserve un homme sous sa main, elle doit substituer sa propre action à celle de la liberté dont elle le prive ? Pas précisément, mais elle doit un peu le traiter comme chacun de nous traite un de ses membres qui est malsain et qu’il ne veut pas cependant retrancher de son corps. Elle doit, non pas l’assister quand même, mais lui offrir son

  1. Voyez le Combat contre le crime, ch. II.