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aux injonctions de la loi pénale (pour peu que celle-ci soit faite avec bon sens) ne se présume pas et que c’est assez d’assurer l’assistance aux nécessités prouvées par des faits sur lesquels il est impossible de revenir.

Un vieillard est là, impotent, sans famille ou abandonné par des enfans disparus, émigrés, misérables eux-mêmes ; eût-il eu de l’imprévoyance ou des torts plus graves, personne ne supportera qu’on le laisse mourir de faim. Mais quand des travailleurs ont quarante ou cinquante ans devant eux pour réfléchir à la situation qui les attend sur leurs vieux jours, quand ils ont eu tout le temps d’entrer dans des mutualités, d’élever des enfans laborieux, honnêtes et reconnaissans, pourquoi leur assurer d’avance, à tous indistinctement, une assistance certaine qui les dispense de toute prudence ? Une fille-mère est là sans logis, sans pain et sans lait, ou bien cet enfant que le père avait trahi, elle-même l’a finalement renié et abandonné. Qui niera le devoir social de recueillir et de faire vivre la malheureuse créature ? Mais de là à rouvrir ces tours qui étaient autant d’invitations à l’abandon systématique et calculé, même avant la faute, je crois qu’il y a loin. A ceux qui prétendent que ces deux méthodes reviennent à peu près au même, et que la première est seulement plus prévoyante et plus humaine, je répondrai que l’expérience a prouvé le contraire[1]. Il faut si peu de chose pour enhardir l’homme au mal ! Il en faut un peu plus pour le pousser au bien, je le reconnais ; mais encore faut-il que ce soit le second effort et, non le premier, qui domine dans les institutions, dans les lois, dans les coutumes consacrées, et dans ces opinions éparses et flottantes qui déterminent la qualité de l’atmosphère sociale.


V

Voici maintenant un homme qui s’est mis dans un cas tel qu’il est impossible de lui laisser continuer ses actes anti-sociaux. Si c’est un calomniateur ou un faux témoin, il faut lui fermer la bouche ; si c’est un violent, il faut le faire reculer dans ses attaques et lui enlever l’envie d’abord, puis la possibilité de les renouveler : bref il faut réprimer les méfaits des uns et des

  1. Voyez notre livre le Combat contre le crime, ch. III.