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désastreuse. Entre les uns et les autres sont des consciences incertaines qu’on peut encore redresser, des courages intermittens qu’on peut encore préserver de plus longues défaillances. Si on réussit avec ces derniers, on doit s’estimer très heureux, on doit se féliciter d’avoir tendu la main à qui a su la prendre et y trouver un point d’appui pour son effort personnel. Une politique habile et sage préserverait ces natures moyennes de deux concurrences. Elle leur épargnerait d’abord celle des misères dorées, en cessant de prodiguer aux intrigans les offres de faveurs, les protections, les dispenses, les entrées gratuites dans des établissemens officiels, les créations d’emplois superflus…, car par là on énerve la vaillance de beaucoup qui, descendant d’un degré, en font descendre d’autres plus bas encore dans la voie irrégulière où ils les poussent. Mais à ces caractères réellement affaiblis par des épreuves extérieures et méritant d’être aidés, il faut encore plus épargner la concurrence des parasites qui leur porteraient doublement tort, en les corrompant davantage et en amenant la société à se décourager de l’assistance. Oui, réprimer ces parasites est un devoir étroit, un devoir de justice et, ne craignons pas de le dire, un devoir d’humanité.


IV

Donc répression et assistance s’appellent et se supposent mutuellement ; car, à tout le moins, la société ne peut pas admettre qu’on abuse de son assistance et qu’aux salutaires conditions qu’elle y doit mettre on préfère une mendicité paresseuse ; d’un autre côté, cette même société doit veiller à ce que nul ne soit mis, malgré lui, dans l’impossibilité d’obéir à la loi.

Mais ces deux devoirs ainsi posés, il y a lieu de se demander quelle est celle de ces deux tâches qui mérite qu’on commence par elle et qu’on lui réserve la primauté. Si l’on en croit les écoles socialistes, la société devrait se dire : « Tant que je n’aurai pas amorti ou plutôt prévenu les tentations violentes par les facilités que je leur aurai données pour qu’elles se satisfassent toutes également, je ne réprimerai pas ceux qui auront eu le malheur d’y succomber ; car, ainsi que l’a proclamé le grand ancêtre : « A chacun selon ses besoins ! »

Une pareille théorie mènerait loin. D’abord il faudrait, ce semble, graduer l’intensité des tentations chez les uns et chez