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réussissent, comme de celles qui échouent, scruter les causes des succès et des échecs. Parmi les hommes auxquels on fait accepter de pareils secours, on sauvera qui on pourra ; ce sera toujours autant de gagné pour l’humanité et pour le bon ordre social : mais il faut savoir ne point se créer d’illusions à soi-même et n’en point donner.

Consultons d’abord l’expérience d’autrui.

La Belgique a fait, dans ces derniers temps, tout ce qu’elle a pu pour diminuer la répression au profit de l’assistance. Non seulement elle a voulu que ses anciennes maisons de correction pour enfans vicieux ou criminels fussent dénommées écoles de bienfaisance et dirigées dans un esprit conforme à ce beau titre ; mais, pour les adultes mêmes, ses représentans recueillaient de la bouche d’un éminent ministre de la Justice (séance du 30 juin 1897) la déclaration suivante : « La loi nouvelle a enlevé à ces deux faits, vagabondage et mendicité, le caractère d’une infraction pénale. A la peine elle a substitué la mise à la disposition du gouvernement… Jamais d’emprisonnement ni d’amende, peines inefficaces en la matière, quand elles ne sont pas odieuses. » Nous verrons tout à l’heure s’il n’y a point dans cette profession de foi soit une large part de témérité, soit une phraséologie qui réussit mal, si ingénieuse qu’elle soit, à dissimuler la réalité. Contentons-nous, pour le moment, de constater ces dispositions si bienveillantes, et écoutons ensuite les témoignages de ces administrateurs si enclins à l’optimisme[1].

« C’était à Gand, pendant l’hiver de 1892-93. De longs cortèges de sans-travail parcouraient les rues. L’autorité communale, désireuse de remédier à la misère qu’un tel état de choses semblait déceler, engagea ces ouvriers à recourir aux bureaux de police et ordonna la distribution de secours immédiats. Savez-vous les résultats de l’enquête ? Des 871 individus inscrits, 39 n’avaient plus leur domicile au lieu indiqué, 30 refusaient toute assistance, 4 n’habitaient plus dans la ville. Pour le surplus, 194 ménages avaient des ressources suffisantes : on en a relevé 2 notamment dont le revenu hebdomadaire était respectivement de 70 fr. 50 et de 72 fr. 50, chiffre très élevé, étant donné le salaire moyen dans cette ville. »

Le rapport de la commission belge ne manque pas d’ailleurs

  1. Réforme de la bienfaisance en Belgique, résolutions et rapport général de la commission spéciale ; grand in-8o, Bruxelles, 1900, p. 282.