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L’Italie, de son côté, ne demeurait pas oisive. En 1842, L. Catalani, en même temps que Schultz, s’efforçait d’anéantir les légendes forgées, sur le sujet, par la vanité napolitaine. En 1870, le grand ouvrage de Salazaro, précieux par ses reproductions d’œuvres inédites, ne procédait point, par malheur, d’un esprit aussi libre et critique. Mais, depuis lors, d’innombrables études locales, par MM. de Nino, Bindi, Pannella, Piccirilli, pour les Abruzzes, Cosimo de Giorgi, Sante-Simone, F. Sarto, Bernich, Avena pour les Terres d’Otrante et de Bari, de Dom Piscicelli et Dom Latil pour le Mont-Cassin, par MM. Croce, Ceri, G. Frizzoni, Krauss, G. von Fabrizy, pour les provinces napolitaines, etc., etc., ont accumulé des fonds de matériaux précieux dans lesquels ont largement puisé MM. Venturi et Bertaux.

Ge dernier, jeune et hardi, ayant, non sans fatigues, revu tous les monumens sur place, durant sept voyages successifs, ne nous dissimule pas ses nobles désirs. lia voulu écrire « le livre d’ensemble qui suivrait tout le développement de l’art dans la moitié méridionale de l’Italie, pendant tout le Moyen âge et la Renaissance, le livre qui chasserait définitivement les vieilles erreurs, en installant à leur place la vérité qui peut être connue, le livre qui répartirait équitablement le patrimoine artistique du passé, entre l’Italie qui triomphe de sa richesse royale et l’Italie qui restait déshéritée. » L’ambition, si joyeusement affirmée par M. Bertaux avec l’heureux entrain des confiances juvéniles, paraît, sans doute, un peu haute. Quel historien se peut, ou s’est jamais pu vanter, d’avoir dissipé, définitivement, toutes les erreurs, et définitivement établi toutes les vérités ? M. Bertaux on doit le reconnaître, n’a rien épargné, du moins, pour remplir son vaste programme ; l’énormité et la qualité de son labeur peuvent excuser sa présomption.

Plus heureusement et plus tôt armé que les hommes de la génération précédente, par une éducation plus scientifique et plus libre, artiste autant qu’archéologue, aussi lettré qu’érudit, se servant, pour ses notes, du crayon à dessin et de l’appareil photographique autant que de la plume, M. Bertaux sait aussi bien analyser, par les yeux, un monument, qu’il en sait retrouver l’histoire dans les livres et manuscrits. Il a vu tous les édifices, tous les objets, dans leurs milieux naturels et historiques, et il ne les en sépare plus. Ses paysages sont colorés, ses descriptions précises, ses inventaires animés. Il a le souci du langage