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que ces visites de la flotte anglaise en France et de la flotte française en Angleterre aient été engendrées par les circonstances actuelles et immédiates, puisqu’elles étaient convenues depuis longtemps : aussi personne ne l’a-t-il dit. Le rapprochement anglo-français n’a pu faire naître nulle part des susceptibilités ou des inquiétudes. Les deux nations, les deux gouvernemens n’ont jamais eu d’autres préoccupations que celle de la paix. Tel est du moins notre sentiment très réfléchi, et nous sommes convaincu que tel est celui de l’Angleterre. Quelques personnes ont mis en doute ce dernier point. Si elles n’ont pas incriminé les fêtes de Brest et de Portsmouth, elles ont montré un peu plus d’inquiétude au sujet des manœuvres militaires que la flotte anglaise est sur le point d’aller faire dans la mer Baltique. Nous en parlerons dans un moment ; mais, certes, on s’est bien trompé si on a attribué de ce chef à l’Angleterre une intention qui ne fût pas pacifique. Rien n’est plus naturel, rien n’est plus légitime de sa part que l’exécution d’un programme qui était d’ailleurs arrêté depuis plusieurs mois, et c’est seulement si l’exécution en avait été abandonnée qu’il y aurait eu, dans cet abandon même, quelque chose de singulier.

Pour en revenir aux fêtes de Portsmouth, la présence du roi Edouard, le concours d’une population immense et la joie qui l’animait leur ont donné un très grand éclat. Le toast que le roi, au banquet, a adressé à M. Paul Cambon a été un chef-d’œuvre de bonne grâce, et nous en dirons volontiers autant de celui que notre ambassadeur a adressé au roi en répondant au sien. Tout le monde sait, mais il était bon de le dire dans cette occasion solennelle, qu’Édouard VII a pris une part prépondérante au rapprochement des deux pays. Les principes du gouvernement parlementaire ne sont pas si étroits en Angleterre qu’ils imposent au souverain l’abstention de toute initiative, surtout dans la politique étrangère, et ni le roi actuel, ni avant lui la reine Victoria ne les ont entendus de la sorte. Sans doute le souverain ne peut agir qu’en conformité avec l’opinion générale du pays et avec la politique de son gouvernement ; mais, dans ces limites, il y a place pour une action personnelle parfois très active, et nous venons précisément d’en avoir la preuve. C’est au point que si le ministère conservateur de M. Balfour, dont nous avons eu beaucoup à nous louer et auquel nous conserverons une réelle reconnaissance, venait à succomber, nous n’aurions aucune appréhension pour l’avenir de sa politique extérieure. Ses organes ont pris eux-mêmes la précaution de nous rassurer à ce sujet. Le parti libéral, lorsqu’il arrivera au