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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



15 août.


Comme nous le faisions pressentir il y a quinze jours, le gouvernement a donné des suites à l’amnistie qu’il n’a pas réussi à faire voter par la Chambre : il a remis en activité le général Peigné, qui s’était particulièrement distingué dans l’affaire des fiches. Les vacances sont le temps de tous les courages ! Il semble, en vérité, que le projet d’amnistie n’ait pas eu d’autre but que d’aboutir à ce résultat. On veut passer largement l’éponge sur tout le passé et opérer une reconduction générale. Il y a, paraît-il, des momens opportuns pour ces sortes de nettoyages, et peut-être le moment actuel en est-il un. Aussi ne demandons-nous pas mieux que de nous réconcilier avec des hommes qui ont commis des crimes, des complots, des attentats, des révoltes à main armée contre la liberté du travail et la sécurité des personnes, quoiqu’il y ait, en tout cela, bien des distinctions à faire ; ces distinctions, nous ne les ferons pas ; mais en ce qui concerne ceux qui ont perdu ce bien irrécouvrable qu’on appelle l’honneur, non, il n’y a ni amnistie, ni grâce, qui puisse effacer une tache aussi indélébile que la petite souillure que la femme de Barbe-Bleue n’a jamais pu faire disparaître sur la clé enchantée.

Le tort du gouvernement, — nous l’avons déjà dit, mais il nous oblige à le redire — est d’avoir confondu des espèces aussi différentes et d’avoir voulu les traiter identiquement. L’émotion qui s’est produite à la Chambre n’a pas dissipé son erreur : il y persiste, et la réintégration du général Peigné nous en apporte la preuve. Toutefois, le gouvernement n’a pas osé aller jusqu’au bout, au moins en une seule étape, et il n’a pas replacé le général Peigné à la tête d’un corps d’armée : il s’est contenté de le nommer président du Comité technique