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nous tout ce que nous avons fait pour des œuvres dont le gouvernement a profité plus que personne ?

La convention de La Haye passait pour une ridicule chimère, avant la formation de notre groupe, une œuvre condamnée, mort-née ; nous l’avons réhabilitée ; nous avons obtenu qu’elle fût appliquée. Le chapitre III de cette Convention a permis à la Russie et à l’Angleterre de régler à l’amiable l’incident de Hull qui pouvait, en se prolongeant de quelques jours seulement, de quelques heures, dégénérer en irréparable conflit. Cette guerre d’Extrême-Orient qu’on nous accuse de n’avoir pas su éviter, que serait-elle si la France et l’Angleterre, au lieu de pratiquer la conciliation internationale, en étaient restées à leur politique de coups d’épingle ? La France eût été entraînée avec la Russie, et l’Angleterre avec le Japon, l’Allemagne restant libre de faire son choix ; c’était la guerre universelle.

Et hier encore, quand nous avons vu l’affaire du Maroc mettre aux prises la France et l’Allemagne, ces influences nouvelles que vous contestez, populaires, intellectuelles, et parlementaires, quel a été leur effet ? N’ont-elles pas contribué à l’apaisement des deux côtés ?


Mais tout cela est déjà de l’histoire ancienne et vous me demandez bien autre chose qu’un examen de conscience pour le passé ; vous voulez l’énumération de mes actes dans l’avenir ; il faut que je livre au microscope de votre critique les divers moyens que, dès à présent, je dois prévoir pour résoudre tous les problèmes que les circonstances et les complications les plus imprévues peuvent combiner : Péril Jaune, Arménie, Autriche, Alsace, désarmement, péril américain, péril économique, etc ? Vous demandez si j’ai pensé quelquefois à tout cela.

Je pourrais me retourner vers vous, cher maître, qui donnez de haut vos leçons de diplomatie, et, répondant à la question par la question, me borner à vous demander : Que comptez-vous donc faire vous-même ? Mais votre embarras ne me causerait aucune joie ; j’aime mieux continuer encore à vous fournir de nouveaux sujets de remontrance.

Vous rappelez que j’ai signalé, ici même, ce Péril Jaune, qu’on prend au tragique aujourd’hui après avoir refusé de le prendre au sérieux et qu’on ne sait pas mieux conjurer qu’on n’a su le prévoir. D’autre part, une de mes plus vives satisfactions de conscience a été de réunir des orateurs de tous les partis, y compris M. Denys Cochin et M. Lerolle avec MM. Jaurès, de Pressensé, Anatole Leroy-Beaulieu,