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désaccords internationaux. Lors de l’affaire du Siam, la paix n’a tenu qu’à un fil ; on nous accuse aujourd’hui d’avoir endormi la France et d’avoir attendu que le voyage de l’empereur d’Allemagne au Maroc la réveillât pour nous préoccuper de sa défense ; on en disait autant du gouvernement qui se laissa surprendre à Fachoda. Vous voyez donc que la politique que j’ai combattue n’en était pas une et que, pour tout dire, la France n’avait pas de politique étrangère.

L’alliance russe, bien comprise, aurait pu nous apporter, avec la sécurité du lendemain dans nos relations extérieures, la prospérité intérieure, la faculté de mettre en valeur nos ressources nationales, de développer nos transports, nos voies navigables, notre production sous toutes ses formes ; mais non, faute d’une éducation publique, faute d’un appui suffisamment ferme au Parlement, nos militaristes n’ont vu dans cette alliance qu’une arme contre l’Angleterre, comme ils n’ont su voir plus tard dans le rapprochement franco-anglais qu’une arme contre l’Allemagne.

Tel est l’état d’esprit que nous avons cherché à modifier. On nous représentait le Parlement comme un obstacle, comme l’obstacle à toute politique extérieure ; nous avons prétendu qu’il pouvait être l’auxiliaire, le promoteur d’une politique nouvelle, à la condition que cette politique fût claire, nettement définie devant le pays. Nous avons prétendu que le Parlement, loin d’empêcher, réclamait des accords internationaux qu’on n’osait pas lui soumettre ; nous avons prétendu cela ; nous l’avons prouvé. Dans ce groupe de l’arbitrage international que vous négligez, je connais des hommes admirables qui ont bien su faire la conciliation à l’intérieur, quoi qu’on en dise, comme à l’extérieur, dans l’intérêt supérieur de la patrie ; j’ai vu des adversaires déclarés se donner la main et tenir le même langage, soit pour faire cesser le boycottage inqualifiable de la Cour de La Haye, soit pour exiger, après avoir obtenu sur ce point des satisfactions sérieuses, d’autres concessions, et notamment une liquidation de nos difficultés avec l’Angleterre. Et si j’hésite à les nommer, dans la crainte de les mêler à notre polémique, je tiens à dire bien haut la reconnaissance qui leur est due et par le pays et par le gouvernement, pour leur bienfaisante action. Je sais que cette action s’est exercée dans des manifestations, discours, visites, banquets que l’on dédaigne ; vous préférez les conciliabules à ces banquets. Mais comment donc nous réunir ? où trouver même un local, et sur quel budget le payer ? Avons-nous jamais sollicité ou reçu du gouvernement une subvention ? N’avons-nous pas le droit d’être fiers d’avoir pris entièrement sur