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obligé d’emprunter cette année 400 000 livres sterling[1] pour se moderniser sur place…


La position occupée par le Saint-Bartholomew parmi les hôpitaux de Londres est unique en son genre. Il est en même temps le plus ancien et le plus riche. Son histoire, féconde en événemens, remonte à l’aube du XIIe siècle, ses traditions le relient encore à la Cité elle-même, ses propriétés lui donnent la jouissance de nombreux hectares en plus de six comtés. C’est, croyons-nous, le seul hôpital anglais qui ne publie pas de compte rendu annuel, parce qu’il possède des revenus équivalens à ses dépenses courantes, ce qui le rend indépendant de la charité du public et de tout fonds de secours établi.

… La continuité de son histoire et ses ressources le distinguent des fondations plus modernes qui ont à lutter pour vivre et lui donnent une situation à peu près unique. Digne, imposant et, excepté en ce qui concerne son hospitalité charitable, réservé. C’est la note dominante qui frappe le visiteur, lorsque, à travers le porche historique au-dessus duquel trône, bénévole, une statue de Henri VIII, il passe, du bruyant marché d’alentour au silence de sa vaste cour carrée. Asile de paix, port de refuge, situé à quelques pas de la voie la plus encombrée de Londres ; les arbres imposans, la fontaine qui ruisselle au milieu, les quelques abris occupés par un ou deux malades, les pigeons qui se pavanent gravement au-dessus des pavillons, donnent à ce quadrangle bordé de tous côtés par des blocs silencieux de maçonnerie grise un air de dignité surannée et de repos, rappelant à la mémoire ces asiles du savoir que sont nos grandes universités. C’est une maison qui n’est pas fondée sur le sable, elle a subi l’épreuve du temps. Il n’est que les bâtimens historiques pour produire une telle impression. Elle est confirmée ici par la vue du grand escalier, avec son balustre de vieux chêne et ses peintures murales, signées Hogarth, qui conduit au grand hall, une salle de vastes proportions ornée des portraits d’hommes fameux dans les annales de l’hôpital, peints par les plus célèbres artistes.


Voilà un brillant tableau : il est exact. On peut dire que l’hôpital anglais fait partie de l’histoire. Et, chose remarquable, c’est d’institutions privées qu’il s’agit. On sait qu’à Londres, à part les hôpitaux d’isolement et les infirmeries dépendant des workhouses, la liste inépuisable des établissemens hospitaliers est inscrite à l’inépuisable budget de la charité privée.

Si l’on veut voir à l’œuvre la charité officielle, c’est donc aux fondations du « Metropolitan Asylum’s Board[2] » qu’il faut recourir. Là, les ressources proviennent de la loi des pauvres, « poor law, » qui ordonne le prélèvement d’une taxe proportionnelle, « poor-rate, » sur les contribuables. Le produit de cette

  1. Dix millions de francs.
  2. Administration des asiles et hôpitaux d’isolement de Londres.