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Mais je remarque le plancher : parquetage ciré, aux joints défectueux. Le docteur ne paraît pas se préoccuper de cet état de choses. On ne lave jamais le sol. Et cependant, on accepte ici les contagieux, exception à peu près unique dans les hôpitaux généraux de Londres. Pas de salle d’isolement. Dans l’un des services de médecine, je rencontre deux cas de diphtérie en observation. Les typhiques aussi sont admis, et les fièvres éruptives, et le reste. Il y a seulement une vaisselle à part, précaution utile, mais insuffisante, semblerait-il. Je questionne : « Nous n’avons jamais eu de contamination, m’est-il répondu. C’est un privilège de cet hôpital que de ne pas refuser les malades contagieux. » Et cependant, je l’ai dit, il est au cœur de Londres. Qu’on n’affirme plus que l’hygiène anglaise pousse la précaution jusqu’à rejeter tous les hôpitaux hors de la ville. Hier, le conseil de l’hôpital Saint-George s’est réuni en une séance mémorable : il s’agissait de décider si l’on abandonnerait cette construction, située sur un terrain d’une grande valeur, pour bâtir (extra muros) un hôpital moderne. Et le vote a été négatif, le parti a été pris de rester où l’on est, parce que, « les accidens étant très nombreux en ce point de la ville, il est indispensable de conserver là un établissement pour les cas d’urgence[1]. » Cela, d’ailleurs, ne justifie pas l’admission des contagieux, puisque les établissemens du Metropolitan Asylum’s Board, nombreux dans Londres et défrayés par la taxe des pauvres, reçoivent spécialement les fiévreux de toute catégorie.

Une des dames visiteuses habituées de l’hôpital m’a fait les honneurs des services généraux, situés aux étages supérieurs : cuisines à gaz et à vapeur, d’installation nouvelle, salles d’opération, quartier des nurses. Elles sont bien logées : toujours les jolies chambres coquettes, les réfectoires gais. Au premier étage, la chapelle, bien tenue, pieuse et sombre comme une vieille église à vitraux antiques. Elle est riche, presque luxueuse, ce qui ne surprend pas ici. Les nurses y viennent deux fois par jour. Et c’est la règle, ou du moins l’usage, de tous les hôpitaux anglais. On a compris, dans cette impartiale contrée, que si le pauvre ne saurait se passer, surtout durant la période de misère que lui fait traverser la maladie, de cette ouverture sur le ciel, elle est peut-être plus nécessaire encore à celles qui l’aident

  1. Même décision a été prise, et pour la même raison, en faveur de Saint-Bartholomew’s Hospital, situé en pleine Cité.