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Premier étage : « Matron’s office, » le bureau de la directrice, de la matrone, puisque aussi bien notre français n’a pas de mot spécial pour qualifier la fonction. Une matrone ici a la charge morale de tout l’hôpital qu’elle dirige, — personnel et malades. — Le bataillon des nurses est sous ses ordres, et ce n’est pas une sinécure. La surveillance générale des services et des salles est sous sa responsabilité. A elle de veiller au bien-être des malades, à toute la bonne tenue de l’ensemble. A elle d’examiner les candidates infirmières, d’instruire de leurs devoirs celles qui sont acceptées, de juger ensuite si le certificat d’usage peut avec justice leur être décerné à la sortie.

J’ai parlé de bataillon, j’aurais pu dire armée, et la comparaison vaut dans les détails : même discipline, même régularité et le nombre y est. Chaque service a son colonel, une infirmière en chef ou surveillante responsable, sister, qui commande aux infirmières en pied, nurses et aux postulantes, probationers, chargées de l’aider. La proportion des gardes est de une pour trois malades. Cet hôpital en a 48 pour 160 lits environ. C’est un des petits hôpitaux de Londres. À ces infirmières, vivant dans l’hôpital, ajoutez trente femmes de service, qui viennent du dehors pour faire les gros ouvrages, le matin. Les nurses n’ont aucun nettoyage à leur charge, hormis les petites besognes que peut parfois entraîner le service direct d’un malade. Combien nous sommes loin du surmenage de France !

La matrone, miss W…, nous a fait un accueil charmant. Son petit salon élégant est plein de fleurs. Avec elle nous allons parcourir l’hôpital.

Une première salle, — et c’est gai comme un hôpital d’opéra ! Les lits sont espacés, pas plus de seize dans la grande pièce. Tout brille, les tables de bois verni, les cadres des tableaux couvrant les murs, les coiffes blanches des jolies nurses… tout sourit d’un sourire de convalescence joyeux. Et ce piano ? Est-ce donc une fête ? Quelle fée a passé là tout à l’heure et qu’a-t-elle apporté ?… Des fleurs, par gerbes, par brassées, des fleurs ont mis leur magie partout. Les roses rouges dans des jattes, les œillets sur toutes les tables, les jolis pavots clairs près de chaque malade