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UNE
VISITE AUX HÔPITAUX
DE LONDRES

Juin. — La saison bat son plein. Les rues fourmillent de toilettes claires. Il est trois heures : tout Londres élégant est dehors. Au coin de Hyde Park et de Knightsbridge, les petits cabs rapides passent, presque enchevêtrés les uns dans les autres, tandis que j’attends l’omnibus bariolé de réclames qui me conduira vers le Royal Free Hospital.

Un long trajet dans ce véhicule amusant, et le bois goudronné de la route se change en durs pavés qui nous cahotent sans merci. Au coin de Gray’s Inn Road, nous descendons. L’artère large où montent des tramways nous laisse bientôt voir, à sa droite, un grand bâtiment à façade de briques. C’est là. Devant la voûte d’entrée, des dames en chapeau fermé, pauvres vendeuses venues des faubourgs, nous tendent des roses rouges, éclatantes et fraîches. Un miséreux me présente un grand lys, tout blanc, au parfum profond. Il en a toute une gerbe. Joli accueil. Est-ce sous ces auspices qu’on voit la maladie à Londres ?

Nous entrons. Dans la cour, grande et carrée, à droite une porte laisse voir un large escalier. Les marches de pierre en sont usées. Cet hôpital, l’un des premiers hôpitaux gratuits de Londres, date de 1828[1].

  1. Il semble qu’il soit le premier fondé sur le principe de la gratuité absolue, si l’on en juge par le fait suivant, relaté à l’origine de son histoire : « Une nuit d’hiver de 1827, un jeune chirurgien, William Marsden, aperçut, étendue sur les marches du cimetière Saint-André, une pauvre fille de dix-huit ans à peine, malade et mourant de faim. Il la conduisit dans plusieurs hôpitaux, mais faute des papiers ou formalités nécessaires, et qu’une indigente ne pouvait facilement obtenir, tous lui refusèrent l’entrée. Repoussée de partout, elle mourut deux jours après dans un logement où il l’avait placée. » Suit l’histoire de la fondation de l’hôpital gratuit, provoquée par le Dr Marsden à la suite de ce fait pitoyable.