Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/863

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que nous avons de réprimer leur excessive présomption. Il faut que la Suède prévienne à temps un pareil malentendu. Une mobilisation dans le sens propre du mot n’est probablement pas nécessaire ; mais, bien que l’on doive éviter tout ce qui impliquerait d’une façon quelconque une menace pour la frontière norvégienne, la situation est telle qu’il ne pourrait pas y avoir de malentendu si l’on convoquait une quantité suffisante de troupes pour des exercices dans le centre et le nord de la Suède et que l’on mît le plus vite possible la flotte suédoise en état d’aller surveiller la côte occidentale de la péninsule. »

Mais peut-être le journal s’abuse-t-il, et peut-être veut-il s’abuser. Peut-être n’y a-t-il, de la part des « usurpateurs norvégiens » aucun malentendu ; mais, au contraire, de la part de la confiante Suède, quelque négligence, quelque aveuglement, « cet esprit d’imprudence et d’erreur, » avant-coureur de ce que l’on sait. Si les « usurpateurs norvégiens » ont fait ce qu’ils ont fait, n’est-ce pas parce qu’ils étaient préparés à le faire ? Et si la Suède, roi, parlement, presse et peuple, doit s’y résigner, n’est-ce pas parce qu’elle ne s’était point préparée à le réprimer ? « La Norvège, écrivaient les Hamburger Nachrichten, au début de l’incident, le 10 juin, la Norvège n’a pas hésité à rompre l’union, parce que son armée est prête à toutes les éventualités ; il n’en est pas de même de la Suède, où l’on ne prévoyait pas une solution brusque et violente du conflit. La Norvège a fortifié également sa situation financière par un récent emprunt qu’on doit considérer comme un trésor de guerre[1]. »

En Suède, on ne prévoyait pas, mais on eût dû prévoir. On a éprouvé « une douloureuse surprise. » La douleur, soit ; mais la surprise est de trop. On n’eût pas dû être surpris. On ne pouvait pas l’être, depuis le 27 mai, jour où le roi Oscar refusa de sanctionner la décision du Storthing relative à la création d’un service consulaire norvégien ; depuis le 25 avril, jour où le gouvernement suédois avait repoussé l’idée d’ouvrir de nouvelles négociations ; depuis l’année dernière, depuis les années der-

  1. Du dénombrement récemment publié des forces respectives de la Suède et de la Norvège, il résulte que les armées des deux États, bien que la population de la Suède atteigne presque le double de celle de la Norvège, sont égales à quelques milliers d’hommes près, quelques unités navales, et quelques dizaines de pièces de canon. Néanmoins le Riksdag suédois a paru dans ces derniers jours pencher vers des résolutions assez énergiques, et il a, en tout cas, mis pour sa part, à la séparation, des conditions assez nettes.