Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/858

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ne voulait point recevoir la délégation, n’en permettait pas moins au chambellan Sibbern, secrétaire général de la section norvégienne du Conseil d’État, de recevoir l’adresse. Et puisque le Parlement norvégien, le Storthing, s’était arrogé le droit de décider comment il traiterait la Suède et son roi, le Parlement suédois, le Riksdag, déciderait à son tour comment la Suède traiterait le Storthing et « la révolution norvégienne. » On le convoquait donc à Stockholm pour le 20 juin.

Cependant, en douceur, jour à jour, la « révolution » passait dans le domaine des faits accomplis. À Christiania, le Storthing s’était donné une semaine de congé, après avoir, — comme autrefois Cavour à Charles-Albert, — expédié bourgeoisement par la poste au roi ou à l’ex-roi norvégien Oscar II cette même adresse que le souverain blessé n’avait pas voulu prendre solennellement des mains de la délégation. Les ministres de Suède et Norvège à Copenhague, à Rome et à Madrid, Norvégiens de naissance (ce qui, pour le remarquer en passant, semblerait prouver que tout n’était pas fondé dans les plaintes de la Norvège au sujet du prétendu monopole suédois des affaires étrangères, mais c’est là le grand point et nous y devrons revenir), ces trois ministres offraient leur démission, qui était acceptée. Partout en Norvège, sur terre et sur mer, on remplaçait le drapeau de l’Union par le drapeau norvégien. Et partout « la révolution norvégienne » revêtait ce caractère religieux qui frappe si fort les peuples accoutumés à d’autres procédés révolutionnaires. Chaque fois que, le canon tonnant, s’abaissait l’étendard de l’Union et que les couleurs de la Norvège montaient, séparées et seules, dans le ciel clair : « Dieu protège la patrie ! » disait une voix. Et les voix de la foule acclamaient : « Oui ! oui ! »

Il ne manquait pas même, à la révolution norvégienne, pour être une vraie révolution, de s’étendre en vibrations et en ondulations, d’avoir, au dehors et assez loin, son contre-coup. De Budapest, François Kossuth et le parti national hongrois n’avaient garde de laisser se perdre l’analogie. Invoquant eux aussi, mais peut-être moins gravement, l’Esprit saint, à l’occasion de la Pentecôte, ils le priaient « d’éclairer les puissans et les grands de ce monde sur les vérités récemment démontrées ; » et je ne sais plus quelle était la première de ces vérités, mais la seconde, établie « par les affaires scandinaves, » était, suivant Kossuth, que, « de deux États unis sous la même couronne, le