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des Japonais. Mais ce qui est surtout curieux à noter, ce sont les procédés auxquels ils ne craignent pas de recourir pour augmenter leur influence et évincer leurs concurrens. Ils ont répandu le bruit que toute la province allait être prochainement cédée au Japon et que tous ceux qui ne se montreraient pas dès maintenant leurs amis auraient à s’en repentir ; mauvaises querelles, dénonciations, calomnies, ils ne reculent devant rien pour soutenir leurs partisans et opprimer les autres ; ils font régner la terreur ; sous le prétexte de protéger leurs sujets de Formose établis dans le Fo-kien, les agens consulaires japonais délivrent, contre une rétribution dont le tarif est connu, des patentes de protection qui assurent à ceux qui en jouissent une scandaleuse impunité. Cinq familles chinoises, parmi les plus riches de Fou-tcheou, se sont mises au service des Japonais ; elles obtiennent, grâce à eux, tout ce qu’elles veulent pour elles-mêmes et pour toute la clientèle qui accourt autour d’elles. Beaucoup de marchands recourent ainsi à la protection japonaise et, en dépit des lois qui ne permettent pas aux étrangers de posséder sur le sol de l’Empire, ils continuent à tenir boutique et à jouir de leurs biens. Falsifier des titres pour fortifier un droit douteux, fabriquer de fausses pièces, soutenir par tous les moyens un plaideur de mauvaise foi, sont les procédés courans par lesquels les Japonais espèrent décourager et supplanter les Européens et particulièrement nos compatriotes. L’affaire du monopole du camphre en est un curieux exemple. En 1902, le vice-roi Hsu établit le monopole de la vente du camphre dans sa province et organisa un Bureau du camphre chargé de régler l’exploitation des forêts de camphriers, le transport des bois, la fabrication, le prix et les conditions de vente ; puis il passa avec les Japonais un contrat par lequel il s’engageait à n’employer que des techniciens et des experts de leur nationalité pour toutes les opérations concernant la manutention et le commerce du camphre : c’était constituer, au profit des Japonais, déjà maîtres du pays du monde le plus riche en camphre, Formose, un véritable monopole de fait. Deux maisons anglaises d’Amoy et de Fou-tcheou, qui font le commerce du camphre, protestèrent, énergiquement soutenues par leurs consuls ; le ministre d’Angleterre à Pékin déclara qu’il ne reconnaissait pas un monopole contraire aux traités ; mais les « compradores » des deux maisons anglaises étant allés dans l’intérieur pour faire leurs achats,