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sérieux le complot ; « beaucoup de bruit pour rien, » disait le Hong-kong Daily Mail. Grâce à cette inertie qui équivalait à un aveu de complicité, l’organisation révolutionnaire, malgré ses trois échecs, demeurait intacte ; son trésor, qui renfermait, dit-on, 2 millions de dollars, était à l’abri de toute atteinte ; Sun pouvait attendre une nouvelle occasion d’agir et recommençait à courir le monde.

Ainsi, révolutionnaires violens et sécessionnistes comme Sun-Yat-Sen, réformateurs comme Kang-Yu-Wei, ont trouvé aide, asile et protection dans les possessions anglaises et au Japon. En 1900, un haut fonctionnaire britannique, faisant allusion à la tentative de Sun-Yat-Sen sur Canton, disait : « Au cas où le mouvement insurrectionnel se propagerait dans le Nord et acquerrait une grande force, nous examinerions s’il ne conviendrait pas de le considérer comme pouvant constituer un gouvernement régulier. » Tant qu’ils furent inquiets des progrès de la Russie dans la Chine du Nord, Anglais et Japonais pratiquèrent une politique particulariste et réformiste dans la Chine du Sud et spécialement dans cette vallée du Yang-tse où la Grande-Bretagne espérait trouver une nouvelle Égypte. En soutenant au contraire le gouvernement de l’Impératrice, la Russie et lu France sauvèrent l’Empire du Milieu d’un partage qui aurait été tout au bénéfice de l’Angleterre ; mais, par la force des choses, elles se posèrent en adversaires du progrès et des réformes nécessaires.

Les dernières lettres d’Extrême-Orient nous révèlent des symptômes d’un revirement très significatif de la politique japonaise. Depuis que les victoires des armées et des flottes du Mikado ont rejeté au second plan l’influence russe, il a paru aux Japonais que le moment était venu de reprendre pour leur compte la politique qui avait réussi à leurs adversaires, d’établir leur hégémonie protectrice sur la dynastie régnante et, par elle, sur la Chine tout entière : le Japon prépondérant dans une Chine intacte, telle paraît être la formule qui prévaut aujourd’hui à Tokio ; quant à la Grande-Bretagne, les conséquences inévitables de sa politique la réduiront bientôt à n’avoir, à côté du Japon, qu’un rôle secondaire et à recueillir les miettes d’une prépondérance qui échappe à la race blanche pour passer décidément aux Jaunes. Subsides aux révolutionnaires, encouragemens à Sun-Yat-Sen, s’il faut en croire des nouvelles récentes,