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de là partent, là se réfugient les révolutionnaires ; là s’impriment les pamphlets ; là se forme peu à peu une classe de Chinois anglicisés qui perdent leur mentalité nationale et deviennent des fauteurs de troubles. C’est Hong-kong qui a rendu possibles les tentatives de Sun-Yat-Sen. La première date de 1895. Après l’humiliation de Shimonoseki, le parti de la « Jeune Chine » racole des soldats licenciés et prépare, pour un jour du mois d’octobre, une attaque de vive force sur Canton ; les bandes rebelles devaient entrer dans la ville, y trouver des armes, des munitions, de la dynamite, arrêter les fonctionnaires et proclamer le nouveau gouvernement ; en même temps, 400 hommes qui, depuis plusieurs mois, s’exerçaient à Hong-kong, sous l’œil bienveillant de la police britannique, devaient s’embarquer et venir prêter main-forte aux insurgés. Ce plan échoua piteusement : l’une des bandes, rencontrée par des réguliers, fut mise en déroute ; les autres se dispersèrent ; les conjurés de Canton brûlèrent leurs papiers et s’enfuirent ; on se hâta de télégraphier à Hong-kong, mais les 400 étaient déjà en mer et, lorsqu’ils arrivèrent dans le port, la police impériale n’eut qu’à les cueillir. Sun parvint à gagner Macao et de là Honolulu et Londres ; une cinquantaine de têtes tombèrent ; la révolution fut ajournée.

Les événemens de 1900 parurent aux chefs de la « Jeune Chine » une occasion propice pour renouveler leur tentative ; Sun-Yat-Sen, frappé, à Hong-kong, à la demande des autorités chinoises, de cinq ans d’interdiction de séjour, n’avait jamais cessé d’y faire de fréquentes apparitions ; il s’y abouchait avec de hauts personnages de l’Empire, il y préparait ostensiblement une nouvelle insurrection. Dans les premiers jours d’octobre, le bruit se répandit que des bandes de rebelles parcouraient le district de Wei-tcheou et que, dans cette ville même, 10 000 insurgés avaient repoussé les troupes impériales commandées par notre ancien adversaire du Tonkin, Liou-Vinh-Phuoc ; on était étonné d’apprendre que parmi ces gens sans aveu, ces affiliés des Triades, ces pirates du Delta, régnait une discipline sévère qui décelait la présence d’un chef énergique et organisateur ; au contraire des Boxeurs, les gens de Sun-Yat-Sen respectaient les étrangers, les missionnaires ; leurs drapeaux portaient : « Protégeons les étrangers et détruisons les Mandchoux ; » ils proclamaient qu’ils ne faisaient la guerre qu’aux mandarins pour l’affranchissement du peuple. D’aussi avisés révolutionnaires avaient