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On proposa de renvoyer le nouveau préfet à ses expéditeurs. Toutefois, après une longue discussion et à titre de transaction, on convint de recevoir Challemel-Lacour en qualité de délégué du gouvernement de Paris auprès du gouvernement de Lyon, quelque chose comme un ambassadeur avec une qualification plus démocratique, et c’est ce titre de « délégué » qui lui sera constamment donné dans les procès-verbaux des séances du Comité.

Le ministre de l’Intérieur eut-il le pressentiment des résistances que son préfet allait rencontrer à Lyon ? Toujours est-il qu’il adressa la dépêche suivante au Comité de Salut public, avec la visible préoccupation de gagner à son représentant la confiance d’une population ardemment républicaine.


Paris, 5 septembre 1870, 5 h. 48 minutes du soir.


Le ministre de l’Intérieur au Comité de Salut public à Lyon.

Challemel-Lacour, VIGOUREUX REPUBLICAIN, part ce soir avec les pouvoirs nécessaires. Continuez à maintenir l’ordre.


La qualification de préfet avait disparu ; l’épithète de vigoureux républicain qui l’avait remplacée, et que Gambetta avait sans doute considérée comme une trouvaille, manqua, à vrai dire, son effet. Il ne s’agissait pas de savoir si Challemel était « vigoureux, » mais de connaître s’il avait la prétention de substituer son autorité à celle de la commune de Lyon ?

Le télégramme du ministre de l’Intérieur était du moins la reconnaissance implicite des pouvoirs du Comité de Salut public. Le ministre échangeait avec cette assemblée une correspondance officielle et la chargeait de « maintenir l’ordre. »

Les fonctionnaires n’avaient pas attendu cette sorte de légitimation pour faire leur soumission à ce Comité de Salut public accepté avec confiance par la grande majorité des républicains, subi par les conservateurs avec une résignation mêlée de terreur, mais dont personne ne contestait l’autorité.

Des juges de paix, un substitut, des employés de la préfecture avaient, dès la matinée du 5 septembre, fait leurs offres de service. D’autres vinrent les jours suivans.

Le général Espivent de la Villeboisnet, tout en consignant les troupes et en gardant l’attitude réservée que lui commandaient