Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/770

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Là où vous nous avez si souvent envoyés : à la prison !

À ce moment vint à passer Chepié, l’un des présidens, et le meilleur, du Comité. Il apostropha durement cet homme, et lui enjoignit de laisser l’avocat général regagner son domicile.

Mais à peine M. Bérenger rentrait-il chez lui, que les agens de Timon vinrent l’y rejoindre et l’emmenèrent à la rue Luizerne, d’où il fut conduit à la prison Saint-Joseph. Timon poursuivait de ses ressentimens les magistrats qui l’avaient livré à la justice criminelle, et l’arrestation de M. Bérenger fut la revanche de l’accusé contre le réquisitoire de l’avocat général.

Nommé depuis quelques mois à Lyon, M. le premier président Millevoye, malgré son dévouement notoire à l’Empire, et sa haute stature qui ne lui permettait pas de sortir inaperçu, ne fut jamais inquiété. D’un patriotisme éclairé, d’un libéralisme atténué par le sentiment très vif de l’autorité nécessaire, entouré de l’estime de tous, il était presque populaire dans le quartier ouvrier où il habitait le château de la Buire.


IV

La révolution était accomplie à Lyon depuis neuf heures du matin et le télégraphe réquisitionné en avait porté la nouvelle à toutes les villes du Midi. Le Comité de Salut public, assumant toutes les responsabilités, absorbant tous les pouvoirs, gouvernait, administrait, constituait, légiférait pêle-mêle, et attendait non sans inquiétudes les nouvelles de Paris. Les heures s’écoulaient incertaines et menaçantes, lorsqu’on apprit très tard dans la soirée que Paris s’était enfin décidé à proclamer la République et qu’un gouvernement provisoire avait remplacé le pouvoir déchu.

J’ai dit comment j’avais été imposé au Comité de Salut public par la poussée populaire, sans avoir brigué cet honneur. Entré à l’Hôtel de Ville, j’y étais resté avec l’espoir d’empêcher les excès qu’on pouvait prévoir et de hâter l’effacement de la Commune révolutionnaire devant une autorité centrale plus régulière. Il convient ici de citer le témoignage de Louis Garel, secrétaire du Comité. Dans sa brochure sur La Révolution Lyonnaise, il a écrit (page 74) : « Ce fut entre Andrieux et les autres membres du Comité une discussion incessante. A toute proposition, il objecta la légalité, le code, etc. ; il dit que les