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LA COMMUNE Á LYON
EN 1870


I

Le 4 septembre 1870, j’expiais à Lyon, « sur la paille humide des cachots, » les vivacités de mon opposition à l’Empire.

Je dois dire, pour rendre hommage à la vérité, que « la paille humide » n’est ici qu’une sorte de trope démocratique, une figure empruntée à la rhétorique des réunions publiques, et que les détenus politiques, autant que j’en ai pu juger par ma propre expérience, cueillaient à bon marché les palmes du martyre sous l’administration impériale.

Plus de deux mois s’étaient écoulés depuis que les portes de la prison Saint-Joseph s’étaient fermées derrière mes pas, et la vie claustrale n’avait éprouvé ni ma santé, ni mon humeur. Je circulais librement du haut en bas de mon nouveau logis ; la coupole de la chapelle, ornée d’un péristyle, était mon promenoir habituel. De là, bien abrité contre la pluie, le soleil et le vent, j’avais une large vue sur la ville. L’aumônier, homme aimable et disert, venait parfois m’y rejoindre, sans jamais laisser paraître aucune indiscrète préoccupation de prosélytisme. Je recevais sans entrave ni contrôle mes lettres et mes journaux ; je choisissais mes visiteurs, et comme je n’avais pas la ressource de faire dire aux importuns que j’étais sorti, le préfet refusait gracieusement le permis de visite à quiconque n’était pas inscrit sur la liste dressée par mes soins.