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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 juillet.

La session parlementaire s’est terminée par un coup de théâtre auquel personne ne paraissait s’attendre, mais qu’il était cependant assez facile de prévoir en y réfléchissant un peu. La facilité avec laquelle le projet de loi d’amnistie avait été voté par le Sénat avait fait illusion sur celle qu’il devait rencontrer à la Chambre. On avait cru, sans y regarder de plus près, que les choses se passeraient au Palais-Bourbon à peu près comme au Luxembourg, et que le désir de voir appliquer l’amnistie aux condamnés de la Haute-Cour ferait accepter par la droite et par le centre son extension aux délateurs. C’était méconnaître la différence de tempérament des deux assemblées. Au Sénat, la gauche républicaine s’était bornée à exprimer des réserves par la bouche de son président, M. Prévet. « Nous n’estimons pas, avait dit M. Prévet, que des hommes qui ont manqué gravement à l’honneur le retrouveront dans l’amnistie. » Toutefois les modérés du Sénat s’étaient bornés à cette protestation, et, au moment du scrutin, presque tous avaient voté le projet de loi : quelques-uns à peine s’étaient abstenus.

À la Chambre, les choses ne se sont pas passées aussi doucement. M. Lasies, le bouillant député du Gers, a escaladé la tribune et, dans un de ces discours dont l’éloquence imagée lui appartient en propre, il a annoncé qu’il allait dire son fait au général André. Il le lui a dit, en effet, non pas sans vérité, mais sans mesure, et avec une chaleur d’accent qui devait mettre le feu aux poudres. M. Lasies n’a pas pu terminer sa virulente philippique. Le tumulte n’a pas tardé à couvrir sa voix. La gauche ne se contenait plus. Au milieu de l’orage, deux faits se sont produits qui ont achevé la déroute du projet de loi. M. Bris-