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reconnaître à ce dernier la possession de l’étroite bande du Ouakkan qui sépare l’Inde du Turkestan russe, à faire entrer dans sa sphère d’influence le Cachemire, le Petit-Thibet et le Moyen-Thibet. Le maintien dans une situation semi-indépendante du Népal et du Bhoutan procède du même ordre d’idées. Le Grand-Thibet va à son tour constituer sur sa frontière septentrionale une marche analogue à celle de ces États et compléter l’immense demi-cercle de territoires qui, du golfe Persique au fleuve Bleu, s’étendent en une ligne ininterrompue séparant l’Inde du reste de l’Asie. Protégée par le puissant glacis que forment ces territoires, et par la barrière de hauteurs la plus formidable du globe, mise à l’abri par ce tampon colossal des entreprises de tout voisin désagréable ou dangereux, l’Angleterre pourra savourer enfin le repos dans son jardin. Ceux qui ne sont point ses ennemis ne pourront qu’applaudir à sa bonne fortune et ne formeront qu’un vœu : c’est que l’Angleterre, satisfaite enfin d’un empire dont la puissance et la richesse ne furent jamais égalées sous le soleil, ne se laisse pas aller à des conquêtes et à des annexions nouvelles qui seraient hors de proportions avec ses forces et ses ressources, si considérables soient-elles, et qui, ajoutant encore aux charges et aux responsabilités écrasantes d’un domaine colonial que d’aucuns trouvent déjà démesurément étendu, amèneraient l’empire britannique à ployer sous le faix de sa propre grandeur.


ROUIRE.